HomeMy WebLinkAbout2015-1330.Dubuc.16-11-03 Decision-French
Crown Employees
Grievance Settlement
Board
Suite 600
180 Dundas St. West
Toronto, Ontario M5G 1Z8
Tel. (416) 326-1388
Fax (416) 326-1396
Commission de
règlement des griefs
des employés de la
Couronne
Bureau 600
180, rue Dundas Ouest
Toronto (Ontario) M5G 1Z8
Tél. : (416) 326-1388
Téléc. : (416) 326-1396
NO DE LA CRG 2015-1330
NO DU SYNDICAT 2015-0453-0001
DANS L’AFFAIRE D’UN ARBITRAGE
en vertu de
LA LOI SUR LA NÉGOCIATION COLLECTIVE DES EMPLOYÉS DE LA COURONNE
devant
LA COMMISSION DE RÈGLEMENT DES GRIEFS
ENTRE
Syndicat des employées et employés de la
fonction publique de l’Ontario
(Dubuc) Syndicat
- et -
La Couronne du chef de l’Ontario
(Ministère de la Sécurité communautaire et
des Services correctionnels) Employeur
DEVANT Bram Herlich Vice-président
POUR LE SYNDICAT Jesse Gutman
Syndicat des employées et employés de
la fonction publique de l’Ontario
Agent des griefs
POUR L’EMPLOYEUR
POUR LA POLICE
PROVINCIALE DE
L’ONTARIO
Kevin Dorgan
Secrétariat du Conseil du Trésor
Direction des services juridiques
Avocat
Claudia Brabazon
AUDIENCE
Le 24 octobre 2016
Décision
[1] Le syndicat demande la production de certains documents en la possession de
l’employeur. L’employeur reconnaît que ces documents sont (tout au moins en
apparence) pertinents au regard des questions en litige, et il ne s’oppose pas, en soi, à
leur production. Cependant, puisque les documents en question font actuellement partie
d’un dossier de la police se rapportant à deux enquêtes criminelles en cours,
l’employeur a avisé les représentants compétents de la demande du syndicat. Par suite
de cet avis, l’avocate représentant la Couronne du chef de l’Ontario (Police provinciale
de l’Ontario (« PPO »)) a comparu devant moi pour s’opposer à la production des
documents en question.
[2] Il est sans doute curieux que deux représentants distincts de la Couronne (qui
relèvent en plus du même ministère) comparaissent de façon indépendante dans le
cadre de la même instance. Cependant, hormis une situation évitée de justesse, il n’y a
pas eu de conflit apparent entre les positions énoncées par les avocats représentant
ces différentes manifestations de la Couronne (par souci de commodité, je les
appellerai respectivement l’employeur et la PPO). En effet, vu l’éventuelle complexité
des questions en litige, il est étonnant qu’il y ait eu si peu de points litigieux à l’égard de
la question dont je suis saisi.
[3] J’ai déjà consigné le fait qu’aucune question n’a été soulevée au sujet de la
pertinence des documents dont la production est demandée. Dans le même ordre
d’idées, personne ne s’est inscrit en faux contre le fait qu’un avis a été fourni à la PPO
ou le fait de permettre à l’avocate de la PPO de me présenter des observations. Il a été
reconnu qu’il s’agissait précisément du type de procédure envisagé par la Cour d’appel
dans l’affaire D.P. v. Wagg (2004), 71 O.R. (3d) 229, et que ce type de procédure était
(tout au moins avec les adaptations nécessaires) applicable en l’espèce. Il n’a pas non
plus été contesté que, dans le cadre du processus Wagg (ou son équivalent) à suivre
en l’espèce, j’ai le pouvoir de décider s’il y a lieu d’ordonner la production des
documents en question. De plus, ni la PPO ni le syndicat (qui étaient les principaux
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participants à la présente partie de l’affaire) n’ont sérieusement contesté d’importants
aspects des observations présentées par la partie adverse en ce qui concerne
l’importance d’ordonner ou de refuser d’ordonner la production.
[4] La PPO s’est fondée sur l’affidavit (dont le contenu n’a pas été contesté par le
syndicat) de l’inspecteur-détective qui est le gestionnaire de cas pour l’enquête de la
PPO en cours. Elle a soutenu que, pour les motifs énoncés dans l’affidavit, la
divulgation des documents en question pourrait compromettre l’intégrité de l’enquête en
cours, laquelle pourrait mener à des accusations d’incendie criminel ou de négligence
criminelle causant la mort, chacune des accusations pouvant entraîner l’imposition
d’une peine d’emprisonnement à perpétuité sur déclaration de culpabilité.
[5] Pour sa part, le syndicat a fait valoir que les enjeux en l’espèce (le congédiement a
souvent été appelé la « peine capitale » des relations de travail) sont importants et que,
vu les allégations faites par l’employeur et certains des motifs qu’il a exprimés à l’appui
de sa décision de mettre fin à l’emploi du plaignant, l’accès aux documents en question
(dont certains pourraient avoir été rédigés par le plaignant lui-même) pourrait bien être
essentiel à la défense du syndicat, compte tenu des allégations de l’employeur.
[6] Enfin, dans cette brève taxonomie de l’absence générale d’un différend en
l’espèce, il a été convenu que le critère approprié qu’il faut appliquer pour trancher la
question dont je suis saisi est celui qui est énoncé dans l’arrêt Wagg, dans lequel la
Cour d’appel (au para. 17) s’est exprimée comme suit (certains des commentaires du
tribunal inférieur étant intégrés) :
[TRADUCTION]
Le juge qui entend la requête aux fins de production examinera si certains
des documents sont assujettis à un privilège ou à un privilège d’intérêt
public et, d’une façon générale, s’« il existe en l’espèce une valeur sociale
et un intérêt public dominants favorisant la non-divulgation qui l’emportent
- 3 -
sur l’intérêt public à promouvoir l’administration de la justice en donnant
aux plaideurs un accès complet aux renseignements pertinents ».
[7] Je constate également que, à l’appui de sa position, la PPO a souligné qu’un
protonotaire de la Cour supérieure a déjà récemment tranché une affaire dans laquelle
a été rejetée une demande visant à obtenir la production de documents faisant partie de
la même enquête que celle en l’espèce (Lachaine et al v. Putnam Hall o/a Place Mont
Roc et al, no de dossier de la Cour CV-14-504662, 25 janvier 2016). (Cette affaire a été
ajournée sine die – les demandeurs dans l’action civile avaient demandé la production
de documents afin d’identifier (d’autres) défendeurs éventuels.)
[8] L’avocate de la PPO a aussi déclaré que le processus était désormais entré dans
une nouvelle phase, en ce sens que le dossier de la police a récemment été transféré
au procureur de la Couronne régional. À son tour, celui-ci informera la police des
prochaines mesures qu’il conviendra de prendre (lesquelles mesures pourraient
notamment comprendre le dépôt d’accusations ou la clôture de l’enquête).
[9] Après avoir examiné les observations des parties, je suis convaincu que, vu les
circonstances de l’espèce, il ne conviendrait pas d’ordonner la production des
documents demandés pour l’instant. Par conséquent, je refuse de rendre une telle
ordonnance.
[10] Cependant, aucun des participants devant moi ne devrait tenir pour acquis qu’il
s’agit là d’un obstacle permanent à la production des documents en question. Comme
en témoignent les causes mentionnées par les parties, la nature de l’intérêt public qui
doit être protégé par le refus d’ordonner la production des documents peut varier selon
le cas et, à n’en pas douter, de temps à autre dans le cadre de la même affaire. En
l’espèce, l’affaire en est encore à un stade précoce (dans certaines causes, des
documents figurant dans un dossier de la Couronne ont été demandés même après
qu’une décision eut été rendue sur les accusations en question). Le dossier de la police
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contient quelque 90 entrevues vidéo et de nombreux rapports d’experts. Le dossier est
volumineux, mais aucune décision n’a encore été rendue quant à savoir si des
accusations seront déposées ou non. Il se peut bien que l’intérêt de la PPO à s’opposer
à la production de certaines parties de son dossier change une fois une telle décision
prise. Je suis conscient du fait que l’enquête en question est en cours depuis environ
quatre ans. De plus, l’avocate de la PPO n’a pu indiquer la date précise d’une
quelconque décision concernant des changements possibles. Le plaignant et le
syndicat ne devraient pas être obligés d’attendre indéfiniment pour avoir accès à des
documents dont la pertinence apparente en l’espèce a été acceptée (à tout le moins
dans les faits) par les parties à la négociation collective.
[11] Cependant, compte tenu des circonstances de l’espèce, et afin de protéger
l’intégrité d’une enquête en cours complexe qui pourrait mener au dépôt de certaines
des plus graves accusations criminelles possibles, je suis convaincu que, en l’absence
d’un changement important de la situation, il convient de refuser la production des
documents en question pour une période de six mois. Le syndicat pourra renouveler sa
demande dans six mois, ou plus tôt en cas de changement important de la situation. Si
le syndicat renouvelait sa demande, l’affaire serait inscrite au rôle et les mêmes parties
devraient comparaître devant moi. Dans un tel cas, les parties devraient être prêtes à
aborder la question des conditions, s’il en est, dont devrait être assortie toute éventuelle
ordonnance de production.
[12] Si, à un moment donné, la PPO retirait son opposition à la production des
documents, ceux-ci devraient être communiqués au syndicat sans qu’il soit nécessaire
de tenir une autre audience sur la question. J’ordonne également à la PPO, par
l’intermédiaire de ses avocats, de tenir l’employeur et le syndicat au courant de toute
évolution importante de la présente affaire.
Fait à Toronto (Ontario) le 3 novembre 2016.
Bram Herlich, vice-président