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Dans le cadre d’un arbitrage en vertu de la Loi de 1995 sur les relations de travail
ENTRE :
Le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, Unité locale 461
(« Syndicat »)
- et –
L’Hôpital Général de Hawkesbury et district
(« Hôpital»)
Grief de Valérie Bougie, No. 2022-01
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre : Michelle Flaherty
Date : 10 juin 2024
Audience tenue par visioconférence les 27 février et 17 avril 2024
plaidoiries écrites reçues le 31 mai 2024
COMPARUTIONS
Pour le Syndicat Pour l’Hôpital
Daniel Bastien, Agent de griefs
Valérie Bougie, Plaignante
André Champagne, Procureur
Marie-Michèle Pellerin-Auprix, Procureure
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APERÇU
1. Le 25 mars 2022, l’Hôpital a congédié la Plaignante, pour le motif qu’elle n’a pas respecté
la politique de vaccination obligatoire de l’Hôpital (la « Politique »). Le Syndicat a déposé un grief
contestant le congédiement. Le Syndicat ne met pas en question la raisonnabilité de la Politique,
mais il allègue que le congédiement de la Plaignante en était une application déraisonnable et
démesurée.
2. L’arbitrage s’est déroulé les 27 février et le 17 avril 2024. Les parties ont préparé un
énoncé conjoint de faits et elles ont convenu d’une procédure d’arbitrage : Benoît Daigneault,
Directeur, Relations de travail et de santé-sécurité, a déposé un affidavit et a été contre-interrogé
sur celui-ci; la Plaignante, Valérie Bougie, a témoigné de vive voix et a été contre-interrogée. Les
parties ont ensuite remis des plaidoiries écrites.
3. Pour les motifs qui suivent, le grief est rejeté. Le congédiement non disciplinaire de la
Plaignante était justifié dans les circonstances.
LES FAITS
4. Pour l’essentiel, les faits ne sont pas contestés. L’Hôpital est un hôpital public régional
bilingue à service complet desservant la région de Prescott-Russell, dont les villes de Hawkesbury,
Casselman et Clarence-Rockland. Le Syndicat est l’agent négociateur accrédité pour représenter
le personnel technique à l’emploi de l’Hôpital.
Politique de vaccination obligatoire
5. En août 2021, le médecin-hygiéniste en chef de l’Ontario a émis la Directive n° 6, exigeant
que tous les hôpitaux publics élaborent une politique sur la vaccination contre la COVID-19 («
Directive »). La Directive n’exigeait pas la vaccination obligatoire, mais stipulait que tout employé
qui n'était pas entièrement vacciné devait se soumettre à des tests de dépistage réguliers.
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6. En août 2021, l’Hôpital a commencé à élaborer sa propre politique sur la vaccination
contre la COVID-19 et a informé le Syndicat de son intention de rendre la vaccination obligatoire.
La Politique de l’Hôpital est entrée en vigueur le 7 septembre 2021. Elle comprend les éléments
suivants :
- Exception faite des personnes ayant une exemption médicale ou une exemption en
matière de droits de la personne, tous les employés devaient recevoir leur première dose
du vaccin avant le 7 septembre 2021 et leur deuxième dose avant le 15 octobre 2021.
- À compter du 7 septembre 2021, toute personne non vaccinée ou qui n’avait pas déclaré
son statut vaccinal à la santé et la sécurité au travail devait se soumettre à des tests
réguliers de dépistage de la COVID-19 et devait compléter une formation portant sur le
vaccin de la COVID-19.
- À compter du 15 octobre 2021, tous les membres du personnel devaient être entièrement
vaccinés à moins d’avoir une exemption médicale ou en matière des droits de la
personne.
- L’article 3.2 de la Politique stipule : « Enfreindre cette politique peut mener à des mesures
disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement pour motif valable. »
7. Le 14 mars 2022, la Directive de la province a été révoquée par le médecin-hygiéniste en
chef de l’Ontario. Cependant, la Politique de l’Hôpital demeure en vigueur et la vaccination est
toujours obligatoire pour ses employés.
Les circonstances de la Plaignante
8. La Plaignante a travaillé à l’Hôpital à titre de Technologue au département d’imagerie
médicale du 11 mars 2014 jusqu’à son congédiement le 25 mars 2022. La Plaignante était
également instructrice clinique pour des étudiants en radiologie. La nature de son travail
impliquait des interactions en présentiel avec des patients ainsi qu’avec d’autres employés de
l’Hôpital. Il n’y avait aucune mesure disciplinaire à son dossier.
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9. La Plaignante n’est pas disposée à se faire vacciner contre la COVID-19. Bref, durant les
six mois suivant la mise en œuvre de la Politique, la Plaignante a soulevé de nombreuses
préoccupations concernant la vaccination. Elle a communiqué à plusieurs reprises avec la
direction de l'Hôpital pour militer contre la vaccination obligatoire et pour exprimer son opinion.
Selon elle, la vaccination obligatoire est à la fois illégale et inconstitutionnelle.
10. La Plaignante était enceinte pendant que la Politique était en vigueur. Elle était d’avis
qu’aucune recherche claire n’avait été effectuée concernant les effets secondaires du vaccin
contre la COVID-19, notamment pour les femmes enceintes et allaitantes. La Plaignante a
témoigné qu’elle est toujours d’avis que les vaccins contre la COVID-19 présentent des risques et
elle demeure non vaccinée à ce jour.
11. L’Hôpital a effectué plusieurs rappels auprès de la Plaignante pour l’aviser que le non-
respect de la Politique pouvait mener à une fin d’emploi. Notamment :
- L’Hôpital a tenu une rencontre individuelle avec la Plaignante le ou vers le 27 septembre
2021
- Le ou vers le 14 octobre 2021, l’Hôpital a accordé une prorogation d’un mois à la
Plaignante et à tous les autres employés qui n’étaient pas entièrement vaccinés, soit
jusqu’au 15 novembre 2021.
- Le ou vers le 19 octobre 2021, l’Hôpital a envoyé un dernier rappel à la Plaignante
indiquant l’importance d’être entièrement vaccinée avant le 15 novembre 2021. L’Hôpital
a aussi avisé le Syndicat que la Plaignante avait reçu ce dernier rappel.
12. Le ou vers le 15 novembre 2021, l’Employeur a rencontré la Plaignante pour la placer en
congé administratif sans solde jusqu'au 29 novembre 2021 ou jusqu'à ce qu’elle se conforme à la
Politique. L’Hôpital a prolongé le congé administratif sans solde de la Plaignante à plusieurs
reprises, soit le 29 novembre 2021, le 13 janvier 2022 et le 10 février 2022. Au total, le congé
sans solde a duré plus de quatre mois.
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13. L’Hôpital a mis fin à l’emploi de la Plaignante le 25 mars 2022. La lettre de congédiement
explique la position de l’Hôpital :
À ce jour, et en dépit de ces occasions et de nos instructions claires et répétées,
vous continuez à refuser de suivre la politique. Nous n'avons aucune raison de
croire que vous reconsidérerez votre décision si on vous accorde une nouvelle
période de congé administratif sans solde. COVID-19 et ses variantes continuent
de poser un risque important pour la santé et la sécurité du personnel et des
patients de l'hôpital. L’hôpital continue d'avoir l'obligation de prendre toutes les
précautions raisonnables pour protéger le personnel et les patients de cette
menace permanente pour leur santé et leur sécurité, y compris en maintenant la
politique en vigueur et en continuant d'exiger que tout le personnel soit et reste
entièrement vacciné au sens de la politique. Votre refus persistant de respecter
cette condition d'emploi et d'aider l'hôpital à remplir son devoir de protéger la
santé et la sécurité du personnel et des patients a miné la relation d'emploi et ne
nous a laissé d'autre choix que de procéder à votre congédiement.
14. La Plaignante a accouché le 19 avril 2022. Puisqu’elle n’était plus une employée de
l’Hôpital, elle n’a pas eu droit à un supplément aux paiements d’assurance emploi en vertu de la
Convention Collective. En effet, le congé sans solde et le congédiement subséquent ont entraîné
d'importantes conséquences financières pour la Plaignante.
La prise de décision de l’Hôpital
15. M. Daigneault a témoigné que pour les employés qui ne respectaient pas la Politique, le
congédiement n’était pas un automatisme. L’Hôpital a d’abord placé ces employés en congé
administratif sans solde et les congédiements étaient ensuite effectués par l’Hôpital au cas par
cas.
16. À cet égard, les facteurs considérés par l’Hôpital étaient principalement liés aux motifs
protégés par le Code des droits de la personne, L.R.O. 1990, chap. H.19 (« Code ») et à la volonté
(ou pas) de l’employé de se conformer à la Politique. Selon monsieur Daigneault, si un employé
exprimait le désir de se faire vacciner mais avait un quelconque empêchement ou invoquait un
motif protégé par le Code, cet employé ne faisait pas l’objet d’un congédiement pour motif
valable. Monsieur Daigneault a affirmé que l’Hôpital évaluait l’ensemble du dossier de l’employé
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concerné. Cependant, il n’est pas clair dans quelle mesure l’Hôpital a tenu compte des années de
service de la Plaignante ou de son dossier disciplinaire vierge.
17. Lors du dernier entretien que l’Hôpital a tenu avec la Plaignante avant son congédiement,
celle-ci a exprimé sa ferme intention de ne pas se faire vacciner. Il est clair que la Plaignante a
de fortes convictions personnelles quant au vaccin contre la COVID-19. Il y a lieu de souligner,
toutefois, que la Plaignante n’a pas demandé une exemption, soit médicale ou en vertu du Code.
Le Syndicat ne prétend pas – et rien dans la preuve me permet de conclure -- que l’application
de la Politique à une employée dans les circonstances de la Plaignante était déraisonnable ou en
violation du Code.
18. L’Hôpital a considéré s’il y avait lieu de prolonger davantage le congé sans solde de la
Plaignante. Comme l’indique la lettre de congédiement, la COVID-19 continuait à poser des
risques et l’Hôpital considérait que la vaccination obligatoire était toujours nécessaire. Dans la
lettre de congédiement, l’Hôpital a précisé qu’il n’y avait aucune raison de croire que la
Plaignante allait se conformer à la Politique.
19. Monsieur Daigneault a aussi témoigné des difficultés opérationnelles que l’Hôpital a
connu dans le contexte de la pandémie. Les taux d'absentéisme du personnel de l’Hôpital étaient
élevés en raison de la COVID-19. De plus, l’Hôpital avait de la difficulté à pourvoir des affectations
temporaires, surtout lorsque celles-ci étaient de durée non prédéfinie. L’Hôpital devait aussi se
composer avec le défi additionnel de pourvoir ces postes avec du personnel bilingue.
QUESTION EN LITIGE
20. En l’espèce, la raisonnabilité de la Politique de vaccination obligatoire n’est pas contestée.
La seule question en litige est à savoir si, dans les circonstances de cette affaire, il était
raisonnable pour l’Hôpital de mettre fin à l’emploi de la Plaignante pour non-respect de la
Politique.
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LES POSITIONS DES PARITES
21. L’Hôpital soutient qu’il était approprié d’exercer son droit de gestion et de mettre fin à
l’emploi de la Plaignante pour motif valable, suivant six mois de rappels de non-conformité,
incluant une période de plus de quatre mois de congé administratif sans solde. Dans un premier
temps, l’Hôpital dit qu’il avait le droit de répondre au non-respect de la Politique en imposant
des mesures disciplinaires. Subsidiairement, l’Hôpital soumet qu’il avait motif valable pour
imposer le congédiement non disciplinaire puisqu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire
que la Plaignante allait se conformer à la Politique dans un futur proche.
22. Le Syndicat prétend qu’une mesure disciplinaire ne peut être imposée pour le motif que
la Plaignante n’a pas consenti à un traitement médical et/ou à divulguer son statut de
vaccination. Le Syndicat soumet également que le congédiement est une mesure démesurée
dans les circonstances, à la lumière des huit années de service de la Plaignante et de son dossier
disciplinaire vierge.
ANALYSE
La jurisprudence
23. La question de savoir si une employée peut être congédiée en cas de non-respect d'une
politique de vaccination obligatoire a été examinée dans plusieurs décisions arbitrales.
24. Plusieurs arbitres ont conclu que le non-respect d'une politique de vaccination obligatoire
peut donner lieu à des mesures disciplinaires, pouvant aller jusqu'au congédiement : Revera Inc.
(Brierwood Gardens et al.) c. Christian Labour Association of Canada, 2022 CanLII 28657 (ON LA)
(White) aux paras. 153 à 157; Maple Leaf Foods Inc., Brantford Facility c. United Food and
Commercial Workers Canada, Local 175, 2022 CanLII 28285 (ON LA) (Chauvin) aux paras. 56 à 57;
Unifor Local 973 c. Coca-Cola Canada Bottling Limited, 2022 CanLII 25769 (ON LA) (Wright) au
para. 45; Lakeridge Health c. CUPE, Local 6364, 2023 CanLII 33942 (ON LA) (Herman) aux paras.
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174 – 184; et Lakeridge Health c. OPSEU, Local 348, 2023 CanLII 61431 (ON LA) (Herman); et
Peterborough Regional Health Center c. OPSEU, décision non rapportée datée du 18 décembre
2023 (Allen).
25. Dans l'affaire Lakeridge Health c. CUPE, Local 6364, 2023 CanLII 33942 (ON LA), l'arbitre
Herman a conclu que le congédiement était justifié après un congé administratif de quatre
semaines. Selon lui (au paragraphe 189) :
It is difficult to see how long service or a clean disciplinary record, for example,
would act to prevent or nullify a leave or termination that is a reasonable part of
a mandatory vaccination policy. Or why factors such as an employee relying on
misinformation, or having a real fear of vaccination, or having concerns about
the safety of vaccinations, would be sufficient to nullify what is otherwise a
justified leave or termination. Individual circumstances (other than exemptions
based on religious or medical grounds) do not address the validity of requiring
mandatory vaccination as a condition of employment, or the justification for
placing an employee on leave or terminating an unvaccinated employee, nor in
the circumstances do they provide mitigating factors against the terminations.
26. Cependant, d'autres arbitres ont adopté des approches différentes, que nous pouvons
classer en trois catégories.
27. Dans l'affaire Quinte Health c. Ontario Nurses Association, 2024 CanLII 14991 (ON LA),
l'arbitre Hayes a conclu le non-respect d’une politique de vaccination obligatoire n’est pas à priori
un motif valable pour le congédiement disciplinaire. La question doit plutôt être évaluée en
fonction des circonstances, y compris les années de service de l'employé en question et ses
antécédents disciplinaires.
28. Dans l'affaire Humber River Hospital c. Teamsters Local Union No. 419, 2024 CanLII 19827
(ON LA), l'arbitre Parmar a conclu que le refus de consentir à un traitement médical n'est pas un
acte d’insubordination et ne peut donc pas faire l’objet de mesures disciplinaires. Selon l’arbitre
Parmar, un employé a le droit de refuser un traitement médical. Quoique ceci peut avoir des
conséquences non disciplinaires, l'employé ne peut faire l'objet de mesures disciplinaires
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concernant le choix profondément personnel de ne pas se faire vacciner. Cependant, comme
l'explique l'arbitre Parmar :
This does not mean that the Hospital’s requirement that employees be
vaccinated in order to work is not enforceable. Just because the Hospital cannot
invoke its disciplinary powers to suspend or terminate an employee does not
mean that they must allow an employee who has failed to provide the necessary
proof of vaccination to be present in the workplace. That too is something
arbitrators have repeatedly stated – employees must accept the consequences
of their choices. An employer retains the power to address the situation resulting
from the employee’s choice if it renders the employee unable to safely work in
the workplace. The employer can take other forms of action that are not
disciplinary in nature, and these other actions may, if justified in the specific
circumstances, include non-disciplinary termination.
29. La Cour d’Appel de l’Ontario a appliqué la doctrine de l’inexécution du contrat pour
justifier le congédiement non disciplinaire d’un employé non syndiqué qui avait refusé de se
conformer à une politique de vaccination obligatoire : Croke v. VuPoint System Ltd., 2024 ONCA
354 (CanLII). Cette doctrine a aussi été appliquée dans une affaire émanant de la Colombie-
Britannique, où une arbitre a conclu qu'un travailleur de la santé syndiqué avait effectivement
rendu son emploi inexécutable en refusant de se faire vacciner : Fraser Health Authority (2022),
349 L.A.C. (4th) 209 (Doyle).
30. Au sens strict, il n'est pas nécessaire pour moi de déterminer si une mesure disciplinaire
était appropriée dans les circonstances de la Plaignante. Au minimum, j'accepte l'argument
subsidiaire de l'Hôpital et j'estime qu'un congédiement non disciplinaire était justifié dans les
circonstances.
31. Mise à part Fraser Health Authority, la notion de l'inexécution du contrat ne s'applique
pas typiquement aux employés syndiqués. En effet, dans le contexte des relations de travail, il
n'y a pas de contrat de travail individuel qui pourrait être rendu inexécutable. Cela dit, un
congédiement peut être justifié dans certaines circonstances non disciplinaires, où un employé
syndiqué n’est pas en mesure de remplir les fonctions de son poste dans un avenir
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raisonnablement prévisible. Cela peut se produire, par exemple, lorsqu'un employé perd une
autorisation de sécurité, un permis, ou une licence qui est nécessaire pour remplir les fonctions
de son poste.
32. Dans cette même veine, il existe une jurisprudence considérable concernant les
congédiements non disciplinaires dans des cas d'absentéisme non fautif, où un employé n’est
pas en mesure de remplir les fonctions de son poste dans un avenir raisonnablement prévisible:
voir, par exemple, Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et
de bureau d'Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), [2008] 2 RCS 56 au para. 18. Dans de
telles circonstances, les années de service et les antécédents disciplinaires d'une employée ne
sont pas des facteurs déterminants. La question est plutôt de savoir si elle sera en mesure
d'exercer les fonctions de son poste dans un avenir raisonnablement prévisible.
33. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'Hôpital pouvait raisonnablement exiger que ses
employés soient vaccinés contre la COVID-19. Il n'y avait aucun devoir d’accommoder la
Plaignante en vertu du Code. Pour des raisons non liées au Code, elle a décidé de ne pas se faire
vacciner, se rendant ainsi indisponible pour travailler à l'Hôpital.
34. Je considère qu'au moment du congédiement de la Plaignante, il était raisonnable pour
l'Hôpital de conclure qu’elle serait incapable, dans un avenir raisonnablement prévisible, de
remplir les obligations fondamentales associées à la relation d'emploi. La Plaignante a été claire
et cohérente dans son intention ferme de ne pas se faire vacciner.
35. Les circonstances de la pandémie étaient fluides et il était très difficile pour tout
employeur de discerner «l’avenir raisonnablement prévisible.» Toutefois, en mettant fin à
l’emploi de la Plaignante plus de six mois après l'introduction de la Politique, l'Hôpital a pris une
approche pondérée. Il a d'abord placé la Plaignante en congé sans solde pour plus de quatre mois
et l'a informée à plusieurs reprises que son emploi était en péril. Bien que cela ne soit pas
déterminant, il est révélateur que la Politique de l'Hôpital demeure en place et que la Plaignante
n’est toujours pas vaccinée ou en mesure de travailler à l'Hôpital à ce jour.
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36. Bien qu'elle ait été informée que le non-respect de la Politique puisse entraîner la fin de
son emploi, la Plaignante a fermement indiqué qu'elle n'était pas disposée à se faire vacciner. Le
fait que la Plaignante ait environ huit ans de service et un dossier disciplinaire vierge ne change
rien au fait que dans un avenir raisonnablement prévisible, elle ne serait toujours pas en mesure
de remplir les obligations fondamentales de son poste.
37. Il est bien établi qu’un employeur est tenu de respecter les motifs exprimés au moment
du congédiement et ne peut pas invoquer d’autres motifs au moment de l'arbitrage. À mon avis,
ce principe a été respecté dans le contexte de cette affaire.
38. Bien que la Politique et certaines lettres envoyées à la Plaignante fassent mention de
mesures disciplinaires, la lettre de congédiement n'y fait aucune référence. La lettre indique
plutôt que le non-respect de la Politique avait miné la relation d'emploi. À mon avis, la lettre de
congédiement capte les arguments avancés par l’Hôpital à l’arbitrage, y compris la prétention
qu'un congédiement non disciplinaire était justifié dans les circonstances.
CONCLUSION
39. Pour ces motifs, le grief est rejeté. La Plaignante a choisi de ne pas se conformer à la
politique de vaccination de l'employeur. Il s'agit d'une décision profondément personnelle, mais
elle n'est pas pour autant sans conséquences. L'Hôpital était en droit de traiter de la situation, à
tout le moins avec des mesures administratives et non disciplinaires.
40. Le 25 mars 2022, plus de six mois après l’entrée en vigueur de la Politique et après avoir
placé la Plaignante en congé sans solde pour une période de plus de quatre mois à partir du 15
novembre, l'Hôpital était en droit de mettre fin à son emploi pour des motifs non disciplinaires
valables. Il était raisonnable pour l’Hôpital de conclure que la Plaignante serait incapable de
remplir les obligations fondamentales de son poste dans un avenir raisonnablement prévisible.
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Signée à Ottawa, Ontario, le 10 juin 2024
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Arbitre Michelle Flaherty