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HomeMy WebLinkAboutLarocque 12-02-02ARBITRAGE ENTRE : LE SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ONTARIO, SECTION LOCALE 426 (Le Syndicat) - ET - INTEGRA (L’Employeur) Décision liée à un recours concernant Danika Larocque Mary Ellen Cummings, arbitre Arguments transmis lors d’une téléconférence le 24 novembre 2011 James Cameron pour le Syndicat Daryn M. Jeffries pour l’Employeur Décision rendue à Georgetown, Ontario le 2 février 2012 TRANSLATION -1- DÉCISION 1. Dans ma décision rendue le 18 juillet 2011, j’ai décidé d’accueillir en partie un grief lié au renvoi de Danika Larocque. J’ai conclu que le congédiement constituait une mesure excessive et jugé préférable de modifier la sanction par une suspension de dix (10) jours en lieu et place du renvoi. 2. L’employeur ne veut pas réintégrer la plaignante dans ses fonctions, non plus que cette dernière le souhaite. Les parties ne s’entendent pas sur les dommages- intérêts à accorder à titre d’indemnité, conformément à mon ordonnance, selon laquelle Mme Larocque n’aurait pas dû être congédiée. Le syndicat demande que Mme Larocque se voit attribuer une indemnité pour perte de revenu d’emploi dont elle a été privée en raison de son congédiement, soit depuis le jour même de sa cessation d’emploi jusqu’à la date à laquelle j’ai rendu ma décision, sous réserve d’une retenue sur le salaire qu’elle a touché dans l’intervalle et d’une retenue à la source en raison de la suspension de dix jours en remplacement de la réintégration. 3. L’employeur soutient que puisque le syndicat et l’employeur conviennent de ne pas réintégrer la plaignante dans le poste qu’elle occupait, cette dernière doit recevoir une indemnité fondée sur le fait que d’autres arbitres ont choisi d’accorder des dommages-intérêts, après les avoir évalués, au lieu d’ordonner la réintégration de la plaignante dans ses fonctions. L’arrêt De Havilland Inc. (1999) 83 L.A.C. (4th) 157 (Rayner) a fait jurisprudence. Dans ce cas d’espèce, l’arbitre (Rayner) a répondu à deux questions : à savoir tout d’abord s’il y a lieu de réintégrer l’auteur du grief dans son poste et, en second lieu, s’il n’y a pas de réintégration, quel dédommagement devrait être accordé. Dans son analyse, l’arbitre Rayner a énoncé des facteurs qu’il estimait pertinents afin de déterminer s’il y avait lieu de réintégrer l’auteur du grief : « 1. le refus des collègues de l’auteur du grief de travailler avec lui; 2. l’absence de confiance entre l’auteur du grief et l’employeur; 3. l’incapacité ou le refus de l’auteur du grief d’accepter la responsabilité de la moindre faute; 4. le comportement et l’attitude de l’auteur du grief lors de l’audience; 5. l’ hostilité de l’auteur du grief envers la direction ou les collègues; 6. le risque d’une atmosphère empoisonnée dans le milieu de travail. » 4. L’avocat de l’employeur comparaissant devant moi a fait valoir que les facteurs 2, 3, 4 et 5 se retrouvaient dans la présente affaire. L’avocat a déclaré que ce cas portait sur l’inaction de la plaignante qui n’a pas signalé les mauvais traitements que d’autres employés ont infligés à un adulte vulnérable. L’avocat a répété que j’avais conclu que la plaignante avait été témoin d’incidents de maltraitance ou de violence qu’elle n’a pas signalés ou qu’elle a refusé de signaler. J’ai estimé en outre que non seulement elle avait fait preuve d’indifférence dans son attitude, mais qu’elle avait de surcroît placé ses intérêts personnels au-dessus de ceux de l’employeur et des résidents. L’employeur m’a rappelé que tous les bénéficiaires adultes qui reçoivent des soins dans son établissement sont vulnérables. Il a l’obligation de leur assurer un niveau de TRANSLATION -2- protection très rigoureux. Il est inconvenant, a affirmé l’avocat, qu’un employeur réintègre dans ses fonctions un employé en qui il n’a pas confiance parce qu’il a des motifs de croire que ce dernier n’agira pas au mieux de ses intérêts et de ceux des bénéficiaires qui reçoivent des services de soutien dans son établissement. 5. De plus, l’avocat de l’employeur a soutenu que cela enverrait le mauvais message si la plaignante se voyait attribuer des dommages-intérêts pour perte de revenu d’emploi, dont le montant représenterait plus de 50 000 $, d’après l’évaluation du syndicat. L’employeur a affirmé que l’octroi d’un montant aussi élevé aurait pour effet de transmettre, à tort, l’idée qu’un employé peut commettre des actes de violence à l’égard d’un bénéficiaire et se voir attribuer tout de même des dommages-intérêts en arbitrage. 6. L’avocat du syndicat a rejeté l’argument fondamental de l’employeur selon lequel la plaignante ne devrait pas avoir droit de recouvrer sa rémunération perdue et qu’il faudrait plutôt lui attribuer une somme moindre en dommages-intérêts en lieu et place de la réintégration. L’avocat a fait valoir que l’employeur avait décidé de mettre fin à l’emploi de Mme Larocque. J’en suis donc venu à la conclusion que Mme Larocque n’aurait pas dû être congédiée, et j’ai jugé préférable de remplacer le renvoi par une suspension de dix jours. Si l’employeur avait imposé une suspension plutôt qu’un renvoi, le préjudice subi par la plaignante s’estimant lésée n’aurait pas été si grave. L’avocat du syndicat a soutenu que la plaignante n’a pas à être affligée d’une peine plus lourde que la suspension de dix jours que j’ai imposée. Elle a déjà été pénalisée en étant injustement congédiée. 7. L’avocat du syndicat a soutenu que l’analyse de l’employeur portait en fait sur le maintien de l’approche – ce que j’ai rejeté – qu’il a adopté à l’endroit de Mme Larocque pendant l’audience. La plaignante s’est vu imposer une suspension de dix jours, une importante sanction disciplinaire, de sorte que personne ne serait tenté de croire qu’elle a obtenu un gain fortuit, comme si elle avait été indemnisée pour sa perte de revenu d’emploi après son congédiement. Le syndicat a fait valoir que l’employeur devrait être reconnaissant que le syndicat ne cherche qu’à recouvrer la rémunération perdue plutôt qu’une indemnité pour suppléer à la non-réintégration de Mme Larocque. Dois-je refuser d’ordonner la réintégration? 8. Je dois répondre à la première question à savoir si la plaignante s’estimant lésée a droit à une indemnité moindre que celle correspondant réellement à sa rémunération perdue, ce qui m’amènerait à conclure, le cas échéant, qu’elle ne serait pas réintégrée et qu’elle ne devrait pas l’être. Selon l’argumentation de l’employeur fondée sur les facteurs énoncés dans l’arrêt De Havilland, conjuguée à l’intention de la plaignante de ne pas réintégrer son poste, je devrai alors statuer sur sa non-réintégration. 9. Depuis de très nombreuses années, les arbitres de grief n’ont eu de cesse de constater que lorsqu’un employé était injustement congédié, la mesure de redressement consistait à le réintégrer dans ses fonctions. À cela s’ajoutaient le recouvrement de son ancienneté accumulée pendant sa cessation d’emploi, ainsi que le remboursement à l’employé s'estimant lésé du salaire et des avantages perdus. Les arbitres de grief ont toujours affirmé qu’un élément critique des dispositions de « motif valable » incluses dans les conventions collectives, portait sur le retour au travail lorsque la cessation d’emploi était injustifiée. Dans l’affaire De Havilland et autres soumises à l’arbitrage par TRANSLATION -3- la suite, ont donné lieu à une question après conclusion qu’il y a eu congédiement injustifié: l’employé doit-il être réintégré? 10. Dans De Havilland, l’arbitre Rayner a conclu qu’« il m’apparaît évident que l’auteur du grief considère qu’il n’a rien fait de mal et qu’il continuera d’afficher une attitude conflictuelle et récalcitrante, peu disposé à la collaboration dans ses relations avec la direction. Il continuera de se méfier à la fois de l’établissement et du syndicat, d’autant que cette méfiance va bien au-delà de ce à quoi l’on pourrait raisonnablement s’attendre de la part d’un employé mécontent au sein d’une main-d’œuvre importante. Je suis convaincu également que l’établissement n’a aucune confiance en l’auteur du grief. En conséquence, je ne vois aucune possibilité de jamais pouvoir rétablir entre employeur et employé un minimum de confiance nécessaire au maintien de leur relation de travail. Le manque de confiance entre les deux parties semble absolue ». (paragraphe 9) 11. Si l’analyse de l’arbitre Rayner était souvent appliquée, la réintégration serait moins souvent adoptée comme mesure de redressement. Généralement, quand un employeur congédie un employé, il a envisagé d’autres options et pris, ce qui s’avère en ce qui le concerne, une décision finale motivée par le comportement de l'employé qui est au cœur même de la relation d'emploi. La collaboration à la procédure de règlement des griefs par voie d’arbitrage, ajoutée à l’écoulement inévitable de trop de temps, peut renforcer le point de vue de l'employeur selon lequel la relation de travail ne peut pas être assainie, car il ne fait plus confiance au plaignant. La décision arbitrale qui vise une cessation d'emploi sans motif valable ne viendra pas nécessairement, voire même probablement, modifier l'opinion de l'employeur. En d’autres termes, je ne m’attends pas que la plupart des employeurs continueraient honnêtement et sincèrement à croire qu'ils pourraient remédier à la situation avec l'employé, si ce dernier était réintégré. Mettre l'accent sur ce point pourrait miner régulièrement la bonne utilisation de la réintégration comme mesure de redressement. 12. Il n’est pas non plus inhabituel qu’un auteur de grief refuse d’admettre sa responsabilité quand il a commis des actes répréhensibles ou mal agi. Lorsque c’est le cas, l’arbitre procède en tranchant la question de savoir s’il ne faudrait pas atténuer la sanction disciplinaire. Pour déterminer si la plaignante s’estimant lésée a accepté sa responsabilité en tant que facteur pertinent - pris en compte dans la décision sur la question de savoir s’il y a lieu ou non d’accorder la mesure de redressement que serait sa réintégration - risque de pénaliser une seconde fois la plaignante de n’avoir pas accepté sa responsabilité. Dans le présent cas dont je suis saisie, j’ai conclu que la plaignante aurait dû signaler l’incident de maltraitance dont elle a été témoin et collaborer à l’enquête de l’employeur à ce sujet. Son omission de le faire et son refus de reconnaître son acte fautif ont donné lieu à l’imposition d’une suspension de dix jours, ce qui, selon moi, constitue une mesure plutôt sévère dans un cas où la plaignante n’a pas commis personnellement d’actes de violence et dont le dossier disciplinaire était jusqu’alors vierge. 13. À mon avis, il serait inapproprié de tenir compte une seconde fois du refus de Mme Larocque d’assumer ses responsabilités en déterminant s’il y a lieu de la réintégrer dans son poste. 14. L’avocat de l’employeur a aussi fait valoir que Mme Larocque avait manifesté de l’animosité envers l’employeur. Il est juste d’affirmer que Mme Larocque était en colère TRANSLATION -4- parce qu’elle a perdu son emploi et parce qu’elle a été accusée de fermer les yeux sur les incidents de violence dont elle avait été témoin à l’endroit d’un bénéficiaire. Tout comme l’employeur a une manière de voir Mme Larocque qui reflète sa compréhension des événements ayant mené à sa cessation d’emploi, le point de vue que Mme Larocque a de l’employeur est fortement influencé par la perte de son emploi, les difficultés à décrocher un autre emploi et les répercussions néfastes sur les relations familiales. Le rétablissement de la relation de travail entre l’employeur et la plaignante s’avérerait particulièrement difficile. Or, les circonstances dans ce cas-ci ne me semblent pas si différentes de celles qui surviennent quand un employé doit être, par ordonnance, réintégré dans ses fonctions. 15. À mon avis, la réintégration devrait constituer la norme lorsqu’un grief relatif à une cessation d’emploi est accueilli. Et en particulier, je ne vois aucun élément en l’espèce qui pourrait m’amener à ordonner le versement d’une indemnité, en guise de redressement tenant lieu de réintégration. Y a-t-il une raison quelconque pour laquelle la plaignante devrait recevoir moins en dédommagement que ce qu’elle a perdu en rémunération? 16. L'employeur a soutenu que la plaignante avait décidé bien avant la fin de l'audience qu'elle ne voulait pas être réintégrée dans son ancien emploi. Elle a trouvé un autre emploi le 11 janvier 2012. L'employeur a fait valoir que la plaignante avait l’intention expresse de ne pas chercher à réintégrer son poste, ajouté au fait qu’elle a pris un autre emploi, sont là des motifs clairs et impérieux de laisser tomber, à ce moment-là et au plus tard, toute obligation découlant d’une ordonnance pour dommages-intérêts en raison d’une perte de rémunération. 17. Il est important de noter que les plaignants ont, règle générale, l’obligation de limiter le préjudice en matière de dommages-intérêts advenant le cas d’un congédiement, même s’ils contestent cette mesure. Autrement dit, je m'attends que l'employeur cherche à obtenir une réduction des dommages-intérêts si le plaignant n'a pas fait d’efforts pour limiter le préjudice en trouvant un autre emploi. La réalité, c’est aussi que peu de gens peuvent se permettre d'attendre sans salaire la fin de la procédure de règlement des griefs par voie d’arbitrage. Les gens trouvent du travail à la fois pour faire face à leurs obligations de limiter leur préjudice ou d’atténuer leurs dommages-intérêts et de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. L’employé qui prend un autre emploi ne signifie pas qu’il ne veut pas ravoir celui qu’il avait avant son renvoi. Je souligne qu’en l’espèce, Mme Larocque a trouvé du travail à temps partiel après une période de chômage et n'a pas remplacé la rémunération ni les heures de travail perdues quand elle travaillait pour Integra. 18. Mme Larocque et le syndicat ont procédé à l’arbitrage dans le but de rétablir sa réputation et de tenter d’obtenir un remboursement pour perte de revenu d’emploi pendant la période de chômage pour ce que j’ai considéré comme un congédiement injustifié. Pour ma part, le souhait de la plaignante de ne pas retourner à son ancien emploi avec le même employeur est au mieux un fait neutre. Il n’entre pas en jeu au titre de l’atténuation de sa réclamation pour perte de revenu d’emploi. 19. Pour les motifs exposés précédemment, je conclus que Mme Larocque est en droit d’être indemnisée par l’employeur pour sa perte de revenu d’emploi, et ce, jusqu’au 18 TRANSLATION -5- juillet 2011, date à laquelle j’ai rendu ma décision, moins le revenu gagné pour mitiger sa perte de revenu. J’ai remplacé la cessation d’emploi par une suspension de dix jours, ordonnance qui s’applique en l’espèce. 20. Les parties ont également convenu que le syndicat fournira à l’employeur la documentation à l’appui des calculs faisant état de la rémunération perdue de la plaignante. 21. Je demeure saisie de l’affaire afin de trancher toute question découlant de la mesure de redressement et de l’exécution de ma décision. Fait a Georgetown (Ontario), ce 2 février 2012 “Mary Ellen Cummings”