HomeMy WebLinkAbout2015-1330.Dubuc.24-07-22 DécisionCrown Employees
Grievance
Settlement Board
Suite 600
180 Dundas St. West
Toronto, Ontario M5G 1Z8
Tel. (416) 326-1388
Commission de
règlement des griefs
des employés de la
Couronne
Bureau 600
180, rue Dundas Ouest
Toronto (Ontario) M5G 1Z8
Tél. : (416) 326-1388
No de la CRG : 2015-1330
No du SYNDICAT : 2015-0453-0001
DANS L’AFFAIRE D’UN ARBITRAGE
en vertu de
LA LOI SUR LA NÉGOCIATION COLLECTIVE DES EMPLOYÉS DE LA COURONNE
devant
LA COMMISSION DE RÈGLEMENT DES GRIEFS
ENTRE
Le Syndicat des employés de
la fonction publique de l’Ontario
(Dubuc) Syndicat
- et -
La Couronne du chef de l’Ontario
(Ministère du Solliciteur général) Employeur
DEVANT Bram Herlich Arbitre
POUR LE SYNDICAT Wassim Garzouzi
Raven, Cameron, Ballantyne &
Yazbeck s.r.l.
Avocat
POUR L’EMPLOYEUR Katie Ayers
Secrétariat du Conseil du Trésor
Direction des services juridiques
Avocate
AUDIENCES Les 19 octobre 2023 et 19 mars 2024
- 2 -
Décision
[1] Je signale, une fois de plus, la remarquable demi-vie de la présente affaire,
maintenant inscrite au rôle de la Commission de règlement des griefs depuis près
d’une décennie. Le plaignant a été congédié de son poste d’enquêteur sur les
incendies, Bureau du commissaire des incendies, en mai 2015. Pour bon nombre
de raisons (certaines assurément plus impérieuses que d’autres), la présente
instance s’est considérablement prolongée et demeure incomplète. En fait, même
la présente décision ne sera pas définitive. Celle-ci porte sur des motions
préliminaires que l’employeur a déposées. S’il fallait que ces motions soient
accueillies dans leur intégralité, cela mènerait au rejet de la totalité des
réclamations existantes du syndicat. Cependant, comme nous le verrons, même si
j’ai décidé que de nombreuses parties des observations de l’employeur sont bien
fondées, je n’ai pas souscrit à toutes dans leur intégralité et il subsistera donc des
questions dont il faudra débattre plus avant. Cependant, la présente décision
offrira une certaine finalité au processus, du moins dans la mesure où elle réglera
toutes les objections préliminaires de l’employeur et, cela étant, jettera un peu de
lumière sur les questions qu’il reste à débattre.
[2] Ma tâche actuelle – trancher les motions préliminaires de l’employeur – est
restreinte et circonscrite. Elle porte principalement sur les précisions que le
syndicat a déposées et elle découle de ces dernières. Il y a maintenant un amas
de ces précisions, qui ont été déposées et examinées tout au long de la présente
instance. Et, regrettablement, cela s’est soldé par une accumulation tout aussi
impressionnante d’observations écrites (la plupart de celles de l’employeur ont
été présentées par écrit) de la part de l’employeur.
[3] Pour bien saisir la véritable portée de ce qui est et de ce qui demeurera en litige
après la présente sentence, il est nécessaire d’examiner l’historique de l’instance
ainsi que la mise au point des précisions du syndicat.
[4] La piste suivie par ces précisions est longue et complexe. Il s’est écoulé près
d’une décennie depuis que le grief a été déposé et, pendant cette période, trois
avocats différents du syndicat ont apporté leurs contributions. Malheureusement,
plutôt que de circonscrire et de simplifier les arguments du syndicat, notamment
dans les cas où le nombre des questions en suspens a nettement diminué, de
nouvelles précisions ont simplement été empilées sur d’anciennes précisions, ce
qui s’est soldé par un taux disproportionnellement élevé d’ivraie par rapport au
bon grain. Par souci d’équité pour l’actuel avocat, de récents efforts ont été faits
pour cerner l’essence des arguments du syndicat. Malheureusement, cela n’a eu
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lieu qu’au moment de l’argumentation finale et après que l’avocate de
l’employeur eut présenté ses longues observations écrites.
[5] Comme il a été indiqué, le congédiement a eu lieu en mai 2015 et le grief qui a
donné lieu à l’instance dont je suis saisi, d’abord à titre de vice-président de la
Commission de règlement des griefs et, plus récemment, de membre de la liste
des arbitres de la Commission, a été déposé à la suite du congédiement. Le
plaignant avait alors près de 26 années d’ancienneté. Je suis saisi d’un seul grief.
Le syndicat y fait valoir que le plaignant a été congédié sans motif valable et qu’il
a été l’objet de harcèlement et de discrimination en contravention des conditions
de la convention collective et de certaines protections prévues par la loi. Sans
que soient nécessairement limités les paramètres de la réclamation, le syndicat a
demandé la réintégration du plaignant et le versement d’une indemnité, y compris
une mesure corrective intégrale ainsi que des dommages-intérêts pour
harcèlement et discrimination et pour diffamation et perte de réputation.
[6] Les parties et leurs avocats de l’époque (chaque partie a engagé ou s’est vu
assigner de nouveaux avocats à deux reprises au fil des ans) ont comparu
devant moi pour la première fois en 2016. À ce moment-là, ils étaient arrivés à
s’entendre, sous réserve de leurs droits, sur un règlement provisoire prévoyant
que le plaignant retournerait au travail selon un contrat temporaire à durée
déterminée et qu’il occuperait un poste différent de son ancien poste (quoique
peut-être de rang supérieur à celui-ci). Ce point de départ laissait peut-être
présager un règlement amiable et raisonnable de l’affaire, mais le passage du
temps a balayé l’optimisme à cet égard. Environ huit ans plus tard, bien que des
progrès majeurs aient été accomplis, l’affaire n’est toujours pas tout à fait réglée.
[7] La première série de précisions du syndicat (ci-après, les « Précisions no 1 ») a
été déposée le ou vers le 5 octobre 2016. Elle se composait d’environ
100 paragraphes et comprenait des allégations de violation de la convention
collective, de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, de la Loi sur les services
en français et du Code des droits de la personne de l’Ontario. Ces précisions
exposaient une série disparate de faits, dont certains remontaient à 2010 ou plus
tôt. Les parties ont comparu devant moi les 6 et 17 octobre 2016, ce qui s’est
soldé par une décision, datée du 2 novembre 2016, dans laquelle j’ai décidé
(notamment) que, sous réserve d’une exception, dans la présente affaire ne
serait entendue aucune preuve relative à des faits survenus plus de trois ans
avant le dépôt du grief. J’ouvre ici une brève parenthèse pour décrire l’exception,
qui conserve une certaine pertinence. Elle a été expliquée comme suit, au
paragraphe 19:
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… Dans le cadre des observations des parties sur la présente
question, un nombre de documents ont été déposés : la plainte de
2009 relevant de la LSST, la réponse de l’employeur, des
observations supplémentaires du plaignant et le règlement daté de
janvier 2012, ainsi que le grief antérieur daté de mars 2010 et le
règlement daté de septembre 2011 qui en a résulté. Ces
documents sont maintenant des pièces dans la présente instance.
De toute évidence, ils prouvent que des plaintes antérieures ont
été déposées, établissent la nature de ces plaintes et prouvent
qu’elles ont été réglées. Cependant, vu les règlements, ces
documents ne prouvent rien au sujet du bien-fondé des plaintes.
Toutefois, dans la mesure où le syndicat (ou l’employeur) souhaite
faire référence à l’un quelconque de ces documents ou s’y fonder,
il est libre de le faire.
[8] Ces documents font partie du dossier des procédures auxquelles a pris part le
plaignant. Ils fournissent un peu de contexte indépendant, mais ne donnent pas
lieu ici à des demandes de réparation distinctes. Le syndicat a confirmé son
intention de se reporter à ces documents, reconnaissant que ce serait pour aider
à situer le contexte et non pas pour solliciter des réparations quelconques qui
seraient liées aux faits ayant donné lieu à l’instance en question. En fait, le
syndicat a fait référence à un autre document qui, peut-être, mérite d’avoir une
place dans ce coin, petit et circonscrit, de notre instance. Le grief de mars 2010
et le règlement auquel il a mené en septembre 2011 ont été ponctués par une
décision de la Commission qui mettait en cause les mêmes parties et le même
plaignant et qui est datée du 6 juillet 2011 (2011 CanLII 49511 (ON GSB)
(Abramsky)).
[9] Cette décision joue un double rôle dans la présente instance, chevauchant la
ligne qui sépare une pièce et une autorité juridique. Elle fait indubitablement
partie du dossier contextuel, mais le syndicat se fonde également sur elle en tant
qu’autorité juridique. Dans cette affaire, qui présente quelques similitudes avec
celle qui nous occupe, la mesure disciplinaire qui a donné lieu au grief a été
annulée, quatre jours avant l’audience prévue. Comme nous le verrons sous peu,
dans la présente affaire l’employeur a annulé le congédiement du plaignant
pendant l’instance. Dans l’affaire antérieure, la Commission a admis que le grief,
dans la mesure où il se rapportait à la mesure disciplinaire, était théorique.
Cependant, dans la mesure où il avait trait à la réclamation en
dommages-intérêts du syndicat pour perte de réputation et pour souffrance
morale, la Commission a jugé que la réclamation n’était pas théorique. Le
syndicat affirme donc que la décision, à part fournir un peu de contexte, étaye
son opinion selon laquelle l’annulation unilatérale, par l’employeur, du
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congédiement et l’engagement à indemniser intégralement le plaignant dans la
présente affaire ne font pas obstacle à la réclamation du syndicat pour d’autres
dommages-intérêts.
[10] Le retour temporaire au travail du plaignant a pris fin en 2018 et les parties se
sont penchées de plus près sur le litige. Au cours des années qui ont suivi, il y a
eu plusieurs jours d’audience, ajournements, retards et décisions, tous ponctués
d’efforts soutenus en vue d’arriver à un règlement. Certaines démarches se sont
révélées fructueuses, du moins en partie. Des raisons se sont ajoutées pour
expliquer les retards, à commencer par la pandémie. Pendant longtemps, le
syndicat a demandé d’ajourner les dates d’audience prévues, dans l’espoir que
les audiences en personne reprendraient sous peu (chose qui se fait toujours
attendre). L’employeur a cédé aux demandes d’ajournement du syndicat jusqu’à
un certain point, puis les audiences virtuelles ont fini par reprendre.
[11] Je reviens au point principal et au processus de production de documents et de
précisions. Ce processus a été moins qu’expéditif, et les retards ont été
exacerbés par la participation nécessaire, de temps à autre, de tierces parties
(comme la Police provinciale de l’Ontario et le Bureau du coroner en chef – le
plaignant avait pris part à l’enquête sur un incendie qui s’était soldé par des
pertes de vie). Au mois d’août 2018, pendant que les parties se livraient à leur
lutte soutenue au sujet de questions de production, il était ressorti que le syndicat
avait l’intention de donner suite aux allégations selon lesquelles le plaignant avait
été diffamé par l’employeur. Par une décision datée du 7 août 2018, certaines
directives ont été données, dont une enjoignant au syndicat de produire les
détails complets concernant toute allégation de diffamation. Ce que le syndicat a
fait en deux lots : il a déposé les Précisions no 2 le 31 août 2018 et les Précisions
no 3 le 14 septembre 2018.
[12] Ces précisions exposaient sept cas distincts où il était affirmé que l’employeur
avait diffamé le plaignant. L’employeur a, en ce qui concerne cinq de ces cas,
présenté une motion en vue du rejet de l’allégation du syndicat, et ce, pour
diverses raisons, dont le défaut d’établir une preuve suffisante à première vue,
une expansion irrégulière du grief et l’application de la doctrine du privilège. Les
parties ont plaidé l’affaire devant moi et, dans une décision datée du
7 décembre 2018, j’ai fait droit à la motion de l’employeur dans son intégralité.
C’est donc dire qu’après cette décision, seuls deux des sept cas de diffamation
alléguée relevés par le syndicat restent à trancher.
[13] De décembre 2018 jusqu’à février 2022, il s’est passé à la fois beaucoup et peu
de choses. Quelque 14 journées d’audience supplémentaires ont précédé la
pandémie. Les dates d’audience prévues ont été ajournées sur consentement
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pendant la pandémie et ce, jusqu’en janvier 2021, mois au cours duquel les
parties ont repris les audiences virtuelles. De nombreuses journées d’audience
ont été prévues tout au long de 2021; une partie de ce temps d’audience a été
consacrée à la poursuite de solutions négociées. Aucun règlement n’a été
conclu.
[14] Le fait le plus important a eu lieu en juillet 2022, quand l’employeur a informé le
plaignant qu’il annulait sa lettre de congédiement, qu’il le réintégrait dans son
ancien poste et qu’il entendait lui rembourser tout le salaire perdu à partir de la
date de son congédiement. Ce fait, ainsi que les discussions qui ont suivi entre
les parties, a mené, le 28 février 2022, à une décision dans laquelle j’ai conclu
que l’employeur n'avait pas de motif valable de congédier le plaignant.
L’employeur s’est vu ordonner de payer au plaignant, au titre du salaire perdu, un
montant dont les parties avaient convenu. La décision reconnaissait également
qu’il pouvait subsister des différends entre les parties relativement aux demandes
d’indemnisation supplémentaire ou à d’autres questions découlant de la
réintégration. Le syndicat s’est vu ordonner de relever et de préciser de telles
questions pour apporter de la certitude sur la portée des différends non réglés.
[15] Cependant, il y avait une exception résiduelle à cette ordonnance, laquelle
exception a donné lieu à un autre détour dans le cadre du litige – le syndicat avait
sollicité la production de documents supplémentaires et, en attendant cette
production, il se réservait le droit de déposer d’autres précisions. L’employeur
s’est opposé à la demande de production et le syndicat a donc sollicité une
ordonnance de production. Cette requête a été l’objet d’une audience et, par une
décision datée du 5 février 2024, elle a été rejetée. Dans la foulée de cette
décision, une certaine clarté est ressortie, ou aurait dû ressortir, relativement à la
nature précise des allégations du syndicat, comme en faisaient foi les séries
longues et nombreuses de précisions qui avaient été déposées au fil des ans.
[16] Comme il a été indiqué, avant le détour tout juste décrit, il avait été ordonné au
syndicat de relever et de préciser ses arguments concernant l’ensemble des
questions encore en litige. Par une lettre datée du 18 mars 2022, il a déposé les
Précisions no 4. Là encore, un peu de contexte s’impose.
[17] Quand le grief a été déposé (il y a neuf ans environ), il comportait, de manière
générale, deux éléments principaux. Le premier peut être décrit comme un grief
traditionnel alléguant un congédiement sans motif valable, et sollicitant toutes les
réparations caractéristiques : réintégration avec indemnisation pleine et complète
pour perte de salaire, avantages sociaux et ancienneté. Le second groupe
d’allégations, que le syndicat avait appelé ses « allégations positives », découlait,
de façon générale une fois de plus, d’allégations du syndicat selon lesquelles le
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congédiement du plaignant était irrégulier non seulement parce qu’il était sans
motif valable, mais aussi parce qu’il était par ailleurs illégitimement motivé et
avait causé au plaignant un préjudice qui allait au-delà du préjudice économique
immédiat imputable à la perte de son emploi.
[18] L’ordonnance enjoignant au syndicat de préciser les questions en litige restantes
faisait partie d’une brève décision dans laquelle j’ai conclu que l’employeur
n’avait pas de motif valable de congédier le plaignant. Antérieurement à cette
décision, l’employeur avait déjà (en juillet 2022) annulé unilatéralement le
congédiement du plaignant, il l’avait réintégré dans son ancien poste et il s’était
engagé à lui payer le salaire qu’il avait perdu et à rétablir ses crédits d’emploi.
Les parties ont par la suite (et avant que je rende la sentence que je viens de
mentionner) convenu du montant dû au plaignant, réglant ainsi la totalité des
réclamations découlant de ce que j’ai appelé le volet traditionnel du grief (la seule
exception avait trait à une réclamation en intérêts, une question qui a été par la
suite réglée par une décision datée du 23 février 2023). Les seules questions en
litige qui restent sont donc celles qui se rangent sous la rubrique générale des
« allégations positives », notamment l’allégation générale selon laquelle le
congédiement a causé au plaignant un préjudice allant au-delà des questions de
pure perte économique qui ont été réglées. Je signale, bien sûr, que ces
allégations positives sont, contrairement à la réclamation classique pour
congédiement sans motif valable, des allégations pour lesquelles le fardeau de
preuve repose sur les épaules du syndicat.
[19] En mars 2022, lorsque le syndicat, par la voie des Précisions no 4, a énuméré les
réclamations en suspens, quatre catégories générales ont été relevées, comme
suit :
A. Intérêts dus à M. DUBUC
(comme il a été signalé, cette question a maintenant été réglée)
B. Violation de la santé et sécurité et des droits de la personne
C. Allégations d’harcèlement
D. Diffamation
[20] On aurait pu s’attendre à ce que, dans la foulée du règlement complet de tous les
aspects traditionnels du grief, les seules questions restantes soient celles qui
entraient dans la catégorie des « allégations positives ». À première vue, si l’on
considère les catégories relevées (ci-dessus) par le syndicat (y compris le
règlement de la question des intérêts à payer), il semblerait que les observations
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du syndicat sont conformes à cette attente. Cependant, on aurait pu considérer
aussi que la décision créait une occasion pour le syndicat, en relevant les
questions toujours en litige, de circonscrire à la fois le nombre et la portée de ces
questions, et non d’en soulever de nouvelles.
[21] Mais le syndicat, dans ses longues observations (14 pages), semble avoir ajouté
de nouvelles précisions, tout en confirmant son droit – et en se le réservant – de
se reporter et de se fier aux précisions déposées antérieurement. Il a
effectivement reconnu que la décision antérieure rendue dans la présente affaire
avait donné lieu au rejet d’une bonne partie de l’allégation de diffamation, tout en
réglant les allégations qui, d’après l’employeur, étaient assimilables à une
expansion irrégulière du grief. Les conséquences de cela sur le plan pratique
n’étaient toutefois pas claires comme de l’eau de roche. Le syndicat a affirmé que
certaines précisions soulevées à l’appui de l’allégation de diffamation pouvaient
encore servir à étayer d’autres allégations qu’il cherche à faire valoir. Cependant,
il n’a pas explicitement indiqué sur quelles précisions antérieurement déposées à
l’appui des parties rejetées de son allégation de diffamation il fallait se fonder à
l’appui du volet existant du dossier du syndicat. Quoi qu’il en soit, comme le
syndicat a décidé de ne pas réviser ou regrouper ces précisions, il nous reste,
depuis le dépôt le plus récent du syndicat, notre amas de documents accumulés
– quatre séries différentes de précisions, soit près de 250 paragraphes en tout.
[22] Avec l’accord des parties et compte tenu de la finalité apparente des plaidoiries
du syndicat, il a été ordonné à l’employeur de faire part au syndicat
d’observations exposant les questions préliminaires, s’il y en avait, qu’il pourrait
soulever.
[23] C’est ce que l’employeur a fait, par une lettre datée du 31 août 2022. Préoccupé,
impressionné ou affligé par l’amas qu’étaient devenus les documents déposés
par le syndicat, l’employeur a décidé d’y répondre de manière exhaustive et
détaillée, dans quelque 30 pages d’observations énumérant les motifs pour
lesquels la totalité des précisions du syndicat et des réclamations qu’elle
représentait devaient être rejetées. Je reviendrai à certains des thèmes qui y sont
évoqués.
[24] Ayant été avisées de l’intention de l’employeur de demander que les arguments
du syndicat soient rejetés sans que soient produits d’autres éléments de preuve,
les parties étaient disposées à se présenter devant moi pour me faire part de
leurs observations à cet égard.
[25] Des dates d’audience avaient déjà été prévues et, pour, notamment, veiller à ce
que toutes les observations portant sur les motions préliminaires de l’employeur
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puissent être entendues dans le cadre des dates d’audience prévues, les parties
ont convenu de recourir à un processus inusité pour parachever leurs
observations. L’employeur a rédigé et déposé ses observations écrites sur ses
motions avant l’audience, et les deux jours d’audience prévus qui restaient ont
été réservés pour la réception de vive voix des observations en réponse du
syndicat, de même que pour la réplique de l’employeur à ces observations. En fin
de compte, les parties ont pu terminer les deux en une seule journée d’audience.
[26] Au fil des années au cours desquelles la présente affaire s’est déroulée, il y a eu
quelques moments qui, pourrait-on dire, ont comporté des faits marquants. Il ne
fait aucun doute que le premier d’entre eux serait la décision unilatérale de
l’employeur d’annuler le congédiement du plaignant. Mais, peut-être d’un ordre
différent, la réponse que le syndicat a donnée de vive voix aux observations
écrites de l’employeur n’a pas manqué d’effets dramatiques non plus.
[27] On se souviendra que, en août 2022, l’employeur, en donnant avis des questions
préliminaires qu’il avait l’intention de soulever (l’« avis »), a déposé un document
détaillé et exhaustif qui exposait les raisons (souvent multiples) pour lesquelles il
affirmait que chacun des paragraphes des précisions du syndicat posait
problème. Le document était en grande partie structuré en fonction des quatre
séries de précisions que le syndicat avait déposées.
[28] Avant le dernier jour d’audience (19 mars 2024), l’employeur a déposé ses
observations écrites à l’appui de ses motions sollicitant en fin de compte le rejet
de toutes les réclamations restantes du syndicat. Ce document était à tout le
moins aussi détaillé et exhaustif que l’avis l’avait été. Il couvrait, bien sûr, le
même territoire que l’avis, mais il intégrait des observations juridiques détaillées.
De ce fait, il comptait plus du double du nombre de pages de l’avis. Et,
contrairement à celui-ci, il était structuré strictement en fonction de thèmes
juridiques. L’effet combiné des deux documents donnait l’impression que le
territoire tout entier avait été couvert une première fois et, ensuite, une fois de
plus, en se servant d’un second outil différent, de façon qu’aucun détail ne soit
négligé.
[29] Par contraste, les observations du syndicat étaient précises et découpées
comme au laser, mais elles ne répondaient pas de manière détaillée ou précise à
l’attaque menée par l’employeur contre les précisions. En fait, la plus grande
partie des observations du syndicat était axée sur la lettre de congédiement
elle-même et sur les dispositions du grief, se référant à de nombreux faits qui
n’étaient pas – ou plus – en litige et recensant essentiellement les allégations qui
avaient été formulées contre le plaignant à l’époque de son congédiement,
allégations à propos desquelles l’employeur, en annulant le congédiement, a
- 10 -
reconnu [du moins peut-on le soutenir] qu’elles étaient dénuées de tout
fondement.
[30] Le syndicat fait aussi grand cas, sur le plan tant factuel que juridique, du
contentieux visé par la sentence d’Abramsky entre ces mêmes parties (citée plus
tôt). Bien que ces observations aient un certain fondement, je ne suis pas
convaincu que cela reflète l’importance que le syndicat y accorde. Dans les deux
cas, l’employeur a décidé, face à une contestation du syndicat à l’égard de
l’imposition de mesures disciplinaires, d’annuler celles-ci. Dans le premier cas
(qui comportait une lettre de réprimande), lorsque le syndicat (comme il le fait ici)
a fait valoir que le plaignant avait subi un préjudice qui allait au-delà de
l’imposition effective de mesures disciplinaires, l’employeur (comme il ne le fait
pas ici) a fait valoir que l’affaire était théorique. La Commission a rejeté cette
thèse et a permis au syndicat de faire valoir sa réclamation en
dommages-intérêts.
[31] Mais, du point de vue juridique, la Commission n’a jamais été tenue de se
prononcer sur le fond de la réclamation du syndicat; les parties ont réglé l’affaire.
De ce fait, la Commission, dans cette affaire, semble s’être prononcée sur une
question dont je n’ai pas été saisi et non sur une question qui aurait pu l’être.
L’employeur évoque devant moi un éventail complet d’arguments à l’appui d’un
rejet préliminaire des réclamations existantes du syndicat. Parmi ces arguments,
cependant, il n’y a pas d’affirmation que les réclamations en dommages-intérêts
du syndicat sont théoriques. En fait, dans sa réplique au syndicat, l’employeur a
confirmé qu’il n’avançait aucune thèse de la sorte. Il s’agit donc là d’une question
sur laquelle je n’ai pas à me prononcer. En revanche, le règlement qu’ont conclu
les parties dans l’affaire antérieure signifiait qu’il était inutile que la Commission
fournisse des directives juridiques ou rende une décision de valeur
jurisprudentielle au sujet d’une allégation d’atteinte à la réputation devant la
Commission, une question qui m’est peut-être soumise.
[32] En toute justice pour le syndicat, cependant, le fait qu’il se fonde sur cette
décision n’est peut-être à l’appui de rien de plus que l’affirmation limitée selon
laquelle l’employeur, ayant annulé le congédiement, n’a pas de ce fait
entièrement éteint la réclamation du plaignant à l’égard d’autres
dommages-intérêts (c.-à-d. au-delà d’une simple perte économique). Que ces
allégations soient en définitive fructueuses ou non, il ne convient pas de les
rejeter à ce stade, avant que la Commission ait eu la possibilité de les examiner
dans leur contexte de preuve complet.
[33] Du point de vue factuel, il y a certes une similitude superficielle restreinte
(mesure disciplinaire imposée, ensuite annulée, après le dépôt d’un grief) entre
- 11 -
les faits qui ont été soumis à l’arbitre Abramsky et ceux dont j’ai été saisi. Que
ces deux affaires soient une simple coïncidence ou que l’on puisse dire qu’elles
(seules ou de pair avec d’autres éléments de preuve) constituent un mode de
comportement inquiétant de la part de l’employeur est une question qu’il est
préférable de trancher en se fondant sur la preuve, pas sur les plaidoiries.
[34] L’employeur a soutenu qu’il ne faudrait pas permettre au syndicat de faire valoir
une allégation de mauvaise foi quelconque parce qu’il n’avait formulé aucune
allégation de la sorte de manière opportune.
[35] Il convient de réitérer qu’étant donné que tous les aspects de ce que j’ai appelé le
« volet traditionnel » du grief ont été réglés, nous n’avons maintenant affaire
qu’aux « allégations positives » du syndicat, c’est-à-dire celles qui mettent
directement en doute la conduite de l’employeur, indépendamment de la
question du motif valable, des allégations dans le cadre desquelles le fardeau de
preuve incombe au syndicat. Pourtant, celui-ci semble être d’avis qu’il est
possible d’inférer l’existence de motifs répréhensibles de l’employeur même à
partir de la lettre de congédiement et du formulaire de grief, peut-être en
combinaison avec d’autres éléments de preuve du plaignant. Bien que l’on puisse
avoir quelques doutes quant aux chances de succès, je suis convaincu que le
syndicat devrait avoir droit à cette possibilité. Et toute affirmation de la part de
l’employeur que l’allégation de mauvaise foi est soulevée de manière inopportune
ne m’émeut pas. Les motifs de l’employeur se trouvent dans le collimateur du
syndicat depuis le tout premier jour.
[36] Pour ce qui est de l’allégation de mauvaise foi, le syndicat ne soulève ou ne
signale pas de faits nouveaux qui n’ont pas été précisés antérieurement. En fait,
comme je viens tout juste de le dire, le syndicat est d’avis qu’il pourrait fonder
cette allégation presque exclusivement sur la lettre de congédiement, sur le grief
et sur une sentence antérieure dans la présente affaire. Je signale également
que la série cumulative d’allégations (certaines encore en cours, d’autres
maintenant abandonnées), y compris les transgressions alléguées en matière de
santé et de sécurité, la discrimination, le harcèlement et la diffamation, sont de
nature telle qu’une réponse à une contestation des motifs de l’employeur ne
suscite aucune surprise. Là encore, que les arguments que le syndicat souhaite
avancer aient de grandes chances de succès ou non, je n’admets pas qu’il
faudrait l’empêcher de le faire.
[37] Le reste des observations du syndicat est essentiellement de nature générique.
Aucun temps n’a été passé à disséquer et à analyser la nature spécifique des
précisions dans le contexte des observations de l’employeur. Toutefois, le
syndicat a effectivement déposé un document dans lequel il a souligné les
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précisions spécifiques qui, alléguait-il, illustraient le préjudice causé au plaignant
par la conduite de l’employeur. Cette réduction des précisions pertinentes sur
lesquelles le syndicat entendait se fonder a eu un effet salutaire sur la portée de
l’instance. Comme je l’ai indiqué, il est regrettable que cela n’ait eu lieu qu’après
que l’employeur a terminé ses observations.
[38] Dans le contexte de l’architecture de plaidoyer particulière que les parties ont
choisie, ma tâche est quelque peu simplifiée. L’employeur a contesté chacune
des quelque 40 pages de précisions que le syndicat a déposées. Dans sa
réponse, ce dernier a nettement réduit la quantité de ses précisions, en indiquant
celles sur lesquelles il continuait de se fonder. Dans ce contexte, il me suffit
d’examiner ces dernières précisions, une tâche à laquelle je m’attellerai sous
peu.
[39] Cependant, avant de le faire, je vais traiter de certains des thèmes juridiques que
l’employeur a mentionnés, car j’ai trouvé qu’un grand nombre d’entre eux étaient
convaincants, et je me fonderai sur ceux-ci pour examiner les réclamations
restantes du syndicat.
La limite de trois ans imposée à l’égard des éléments de preuve
[40] Dans la décision que j’ai rendue le 2 novembre 2016 dans la présente affaire, j’ai
statué (au paragraphe 16) que les faits qui feraient l’objet d’éléments de preuve
se limiteraient à ceux qui sont survenus au plus tard trois ans avant le dépôt du
grief.
[41] L’employeur, dans ses observations écrites les plus récentes, a fait état de
situations dans lesquelles des parties des précisions du syndicat se rapportent à
des faits qui datent d’avant la limite mentionnée au paragraphe précédent. On ne
m’a fourni aucun motif à l’appui d’un écart tardif par rapport à la décision rendue il
y a de cela nettement plus de sept ans. Je ne le ferai pas. Nous n’entendrons pas
d’éléments de preuve se rapportant à des faits qui datent de plus de trois ans
avant le dépôt du grief.
[42] La décision continue de faire l’objet d’une exception, comme je l’ai indiqué plus
tôt. Pour que les choses soient bien claires, l’« exception » se rapporte à des
documents qui ont déjà été désignés en tant que preuve (avec l’ajout de la
décision récente de la Commission [formation différemment constituée], une
décision que j’ai décrite plus tôt comme étant en partie une pièce et en partie une
autorité juridique). Même s’ils concernent deux séries de faits qui remontent à
aussi loin que 2009, ces documents se rapportent au « dossier » d’instances
antérieures engagées par le plaignant, ou par le syndicat en son nom. Les deux
- 13 -
séries de faits se sont soldées par des règlements. Il est loisible aux parties de
faire référence à ces documents dans le cadre du contexte entourant la présente
plainte du plaignant. Il y a toutefois lieu de préciser que nous n’entendrons aucun
autre élément de preuve se rapportant à ces faits, pas plus qu’il ne faudrait me
demander de tirer une conclusion quelconque quant à la véracité des allégations
qui ont été formulées ou au bien-fondé des réclamations qui ont été réglées. Le
« dossier » a été déposé en preuve; nous n’irons pas au-delà de celui-ci.
Nouvelles précisions
[43] Dans le contexte d’un grief déposé il y a neuf ans environ, les mots « précisions
nouvelles » sont quelque peu discordants. À ce stade, il n’y a pas grand-chose
qui est encore nouveau.
[44] L’employeur affirme que des éléments des Précisions no 4 plus récentes du
syndicat ont soulevé de façon irrégulière de nouvelles questions en litige, étayées
par de nouvelles allégations particulières. Je suis d’accord.
[45] Dans ma décision du 28 février 2022, j’ai conclu que l’employeur n’avait pas de
motif valable de congédier le plaignant. Je n’ai pas ordonné qu’il soit réintégré
– cela était inutile, car l’employeur l’avait déjà fait volontairement. J’ai ordonné à
ce dernier d’indemniser le plaignant de sa perte de salaire, et ce, d’un montant
dont les parties avaient déjà convenu. Malgré le règlement apparent de toutes les
réclamations liées à la réintégration et à l’indemnisation pour perte économique
(à l’exception de la réclamation en intérêts qui, elle aussi, a été réglée par la
suite), j’ai signalé ce qui suit dans ma décision (au par. 3) :
Despite reaching agreement on the above-noted amount, I
understand there may still be disputes between the Parties
with respect to claims for additional compensation or other
issues that arise from the reinstatement of the Grievor.
[46] J’ai ensuite mentionné une voie résiduelle menant à une éventuelle production de
documents supplémentaires de la part de l’employeur et à l’éventuel dépôt
ultérieur de précisions supplémentaires de la part du syndicat. Cependant, cette
voie a ultérieurement été écartée par suite de la décision que j’ai rendue le
5 février 2024, dans laquelle j’ai rejeté la demande de production de documents
supplémentaires du syndicat. J’ai ensuite (dans la décision de 2022, au par. 5)
ordonné ce qui suit:
- 14 -
… the Grievor and Union are ordered to identify and particularize all
such issues within fourteen (14) days of this decision. Should any issue
not be identified within this timeframe, the Grievor and Union will not be
able to raise any such claim in any subsequent hearing dates.
[47] La limite de 14 jours a été prorogée avec l’accord des parties. Le syndicat a
déposé ses précisions dans le délai prorogé, soit le ou vers le 18 mars 2022.
C’est à l’égard de cette production que l’employeur soutient maintenant que le
syndicat a soulevé de façon irrégulière de nouvelles allégations. Je vais
brièvement expliquer pourquoi j’ai conclu qu’il convient de maintenir cette
objection.
[48] Le syndicat semble avoir considéré l’ordonnance reproduite plus tôt comme une
invitation ou une autorisation à déposer des précisions nouvelles, élargies ou
nettement modifiées. Ce n’était pas le cas. Même avant les précisions de
mars 2022, les paramètres du grief du syndicat étaient des plus larges. Mais, au
moment où ont été rendues la décision et l’ordonnance de février 2022, les
limites du litige semblaient s’être nettement resserrées. Toutes les questions en
litige (concernant à la fois la responsabilité et les mesures de réparation) qui
étaient liées au grief pour congédiement traditionnel (à l’exception de la
réclamation en intérêts, qui a plus tard également été réglée) avaient été
tranchées. Il ne restait plus que ce que nous avons décrit comme les allégations
positives du syndicat, c’est-à-dire les violations alléguées des dispositions
législatives en matière d’emploi, ainsi qu’une réclamation en dommages-intérêts
pour diffamation. Et, en ce qui concerne cette dernière réclamation, la majeure
partie de celle-ci, mais pas tout, avait déjà été rejetée en raison du succès de la
motion préliminaire antérieure de l’employeur (voir la décision datée du
7 décembre 2018).
[49] La directive ordonnant de relever et de détailler tout différend restant au sujet des
réclamations en dédommagement supplémentaire était une occasion de réviser
et de regrouper les précisions existantes, compte tenu du nombre de questions
qui avaient été réglées. Il s’agissait d’une occasion de circonscrire le litige, pas
de l’élargir.
[50] Avoir considéré une ordonnance rendue en février 2022 comme une invitation ou
une autorisation à déposer de nouvelles précisions sur des faits survenus sept à
dix ans plus tôt était erroné. Toutes ces précisions doivent être radiées et aucun
élément de preuve ne sera entendu à leur appui.
- 15 -
Diffamation
[51] S’agissant de cet aspect de la réclamation du syndicat, la démarche suivie par
les deux parties me pose des problèmes.
[52] À l’incitation de l’employeur, le syndicat a été tenu de préciser ses réclamations
concernant la diffamation alléguée. Ce qu’il a fait, à deux occasions distinctes, en
août et en septembre 2018. L’employeur a ensuite soulevé plusieurs objections
préliminaires à certaines des allégations. L’affaire a fait l’objet d’une audience et,
dans une décision datée du 7 décembre 2018, j’ai maintenu toutes les objections
de l’employeur.
[53] Par suite de cette sentence (et comme le syndicat l’a signalé avec raison dans
ses observations du 18 mars 2022), les précisions qui restaient par rapport à
celles produites au départ au sujet des allégations de diffamation étaient les
suivantes :
1. Dans les Précisions no 2 :
a) Les paragraphes 1-9
b) Le paragraphe 12
c) Le paragraphe 14
d) Les paragraphes 27-35
2. Dans les Précisions no 3 :
a) Les paragraphes 1-8
[54] Je signale qu’en ce qui concerne les points 1a) et 1d), l’employeur avait indiqué
qu’étant donné que ces paragraphes ne contenaient aucune allégation précise de
diffamation, il ne s’opposait pas à leur inclusion. Cependant, pour ce qui était des
points 1b), 1c) et 2a), même s’il ne soulevait aucune objection quant à l’inclusion
de ces paragraphes, l’employeur a fait part de son intention de produire des
éléments de preuve et de soulever des moyens de défense à l’égard de ces
allégations. Je signale également que les huit paragraphes que compte le
point 2a) reproduisent et explicitent les paragraphes uniques que comptent les
points 1a) et 1b). C’est donc dire qu’étant donné que les autres paragraphes
restants, soit les points 1a) et 1d), servent davantage de contexte, le fond de
l’allégation de diffamation se limite aux huit paragraphes que compte le
paragraphe 2b).
- 16 -
[55] Toutefois, l’employeur et le syndicat cherchent maintenant à restreindre ou à
élargir davantage cet objectif restreint.
[56] Dans ses observations de mars 2022, le syndicat a indiqué qu’il continuait de se
fonder sur les précisions relatives à la diffamation qui avaient survécu à la motion
antérieure de l’employeur. Il a ensuite voulu ajouter des précisions
supplémentaires (dans ses paragraphes 31-36). Ce ne sont pas les raisons qui
manquent pour écarter tout autre examen de ces paragraphes en l’espèce, dont
le fait de savoir s’ils établissent une preuve suffisante à première vue et le fait
que le syndicat, plus récemment, a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de se
fonder sur certains d’entre eux. Cependant, pour les besoins qui nous occupent,
il me suffit de faire référence aux considérations énoncées à la section
précédente de la présente sentence. Je ne permettrai pas au syndicat, en 2022,
ou à présent, de formuler de nouvelles allégations ou de déposer de nouvelles
précisions au sujet de faits qui remontent à environ huit ans, et certainement pas
sans une explication cohérente et convaincante quant à la raison pour laquelle il
était impossible d’en faire état de manière plus opportune, et aucune telle
explication n’a été fournie à cet égard.
[57] Pour sa part, l’employeur demande maintenant que l’on rejette la totalité des
allégations de diffamation restantes parce que, notamment, elles ne constituent
pas une preuve suffisante à première vue. En l’espèce, ce sont les huit
paragraphes mentionnés plus tôt qui nous intéressent surtout. Ceux-ci font partie
des paragraphes à l’égard desquels l’employeur a décidé de ne formuler aucune
objection tandis qu’il s’opposait à tous les autres. Il s’agit des paragraphes à
l’égard desquels l’employeur a indiqué qu’il présenterait des éléments de preuve
et qu’il soulèverait des moyens de défense. Je ne suis pas enclin à donner à
l’employeur une seconde chance, quatre ans après que celui-ci a explicitement
décliné de le faire. Si le syndicat le désire, il peut être donné suite à la question
de la diffamation alléguée à l’égard de ces parties des précisions initiales du
syndicat, dans la mesure où elles ont survécu à l’objection préliminaire antérieure
de l’employeur.
Les faits datant d’après le dépôt du grief
[58] Dans ses observations écrites, l’employeur s’est opposé à l’inclusion, dans les
précisions les plus récentes du syndicat, d’allégations liées à des faits datant
d’après le grief (l’employeur a souligné précisément les pages 143 et 149 du
document PDF et les paragraphes 25 et 35 des Précisions no 4). Ces deux
paragraphes se rapportent (de manières différentes) à des faits qui sont
postérieurs au dépôt du grief.
- 17 -
[59] Il y a plusieurs raisons pour lesquelles ces allégations précises ne seront pas
prises en compte, même au-delà des considérations relatives aux précisions
nouvelles susmentionnées. Je ne les recenserai pas toutes.
[60] Dans ma décision datée du 7 décembre 2018, j’ai conclu que certaines
allégations relatives à des événements survenus après le dépôt du grief
constituent un élargissement inapproprié de cului-ci.
[61] Et dans ma décision datée du 5 février 2024, j’ai aussi eu l’occasion d’examiner
(dans le contexte d’une demande de production) la mesure dans laquelle des
faits survenus après le dépôt du grief devaient être inclus dans le litige
concernant le grief. Je suis convaincu, pour les raisons analysées dans cette
décision, qu’il faut être extrêmement prudent et réticent à élargir les paramètres
du litige en l’espèce, vu le temps considérable qui s’est écoulé et le fait que des
questions liées à la situation d’emploi du plaignant ont maintenant été
entièrement réglées.
[62] Dans le cas du paragraphe 25, je signale que, indépendamment de toute
question de délai, ces allégations se rapportent aux mêmes rapports dont j’ai
refusé d’ordonner la production au syndicat et qui, ai-je décidé, ne feraient pas
partie de l’objet du litige. Dans le cas du paragraphe 35, les allégations ont trait à
des faits qui sont survenus deux ans environ après le dépôt du grief.
[63] De façon générale, le dépôt d’un grief ne crée pas une toile dynamique à laquelle
on peut greffer indéfiniment toutes les plaintes futures du plaignant. Même si
cette thèse générale peut certes faire l’objet d’exceptions, aucune raison n’a été
offerte à cet effet, et je n’en vois non plus aucune. Les deux paragraphes
particuliers que l’employeur a mentionnés ne seront pas ajoutés à notre litige et,
de façon générale, les paramètres temporels du litige se limiteront à la période
remontant aux trois années antérieures au dépôt du grief.
Précisions restantes
[64] C’est le sort des précisions liées à la diffamation qui est le plus simple et le plus
évident. Les Précisions no 2 et les Précisions no 3 portaient exclusivement sur la
question de la diffamation. Les parties des précisions qui subsistent sont celles
qui ont été énoncées plus tôt, au paragraphe 54. Le syndicat ne sera pas
autorisé à ajouter des éléments à ces précisions, et l’employeur ne sera pas non
plus autorisé à soulever des questions préliminaires à l’égard d’allégations qui,
a-t-il indiqué plus tôt, feraient l’objet des éléments de preuve dont il dispose, s’il
décidait en fin de compte d’en produire.
- 18 -
[65] Ces séries de précisions étant réglées, les autres peuvent être examinées. Même
si j’ai indiqué que je souscrivais de manière générale à certains des thèmes que
je viens d’énumérer, leur application stricte pourrait mener à des résultats
précipités. Par exemple, une interdiction catégorique à l’égard des « précisions
nouvelles » pourrait amener à conclure que rien dans les Précisions no 4 n’est
approprié, à part les parties qui, de manière explicite, font référence à des
précisions déjà déposées ou les intègrent, un résultat qui n’est peut-être pas
toujours approprié.
[66] En rappelant ce que j’ai décrit comme l’architecture de plaidoyer particulière dans
laquelle l’instance s’est déroulée, je procéderai comme suit. L’employeur a
soulevé de nombreuses objections contre chaque précision déposée par le
syndicat. Celui-ci n’a pas répondu par une analyse complexe, détail par détail,
des précisions. Il a toutefois mis en lumière certaines parties des précisions et,
conformément à ma description antérieure de ses observations finales, il a
précisé que ses arguments mettront l’accent sur les points suivants :
l’enquête menée en 2012;
le retrait du plaignant de l’enquête;
les discussions du plaignant avec la PPO;
la réunion sur la suspension du plaignant;
la longue enquête;
le congédiement;
l’effet du congédiement sur l’état de santé du plaignant et sur sa
réputation – étant issu d’une petite communauté francophone.
[67] Cet accent est clairement lié à des faits qui se rapportent directement au
congédiement ainsi qu’à des éléments de preuve (émanant peut-être du
plaignant lui-même) qui étayent l’allégation selon laquelle les circonstances de
son congédiement justifient une indemnisation supplémentaire.
[68] Mais même si cet accent est certes plus restreint que ce que les précisions
complètes pourraient dénoter, les parties précises de ces précisions que le
syndicat a mentionnées témoignent d’une portée plus large.
[69] En conséquence, je passerai brièvement en revue les précisions (dont le nombre
est plus restreint) que le syndicat a mentionnées dans le contexte des thèmes
généraux dont l’employeur a fait état dans ses objections.
- 19 -
Précisions no 1
[70] Cette série de précisions comporte un système de numérotation des paragraphes
qui est curieux. Après les 61 premiers paragraphes (le syndicat n’a indiqué
qu’aucun d’eux n’était essentiel à ses arguments), les numéros de paragraphe
recommencent par un second paragraphe trois et se poursuivent ainsi jusqu’au
paragraphe 50 inclusivement. Le syndicat a indiqué que dans cette seconde série
de paragraphes, il y en a un certain nombre qui sont importants pour ses
arguments. (Ces paragraphes figurent aux pages 42-43 et 46-51 du document
PDF que les parties ont déposé, et ils comprennent les paragraphes 4, 5, 7, 22,
23, 24, 25, 33, 24, 36, 37, 40, 42 et 45.)
Ces précisions s’inscrivent sous la rubrique générale des allégations de
« Manquement à la loi sur les Services en français et actions contre le Code
des droits de la personne de l’Ontario ». Bien que je sois conscient des
observations de l’employeur selon lesquelles la Commission n’est pas
chargée de l’application de la LSF, je ne suis pas convaincu qu’il y ait
un motif suffisant pour exclure l’examen de ces allégations. Qu’il soit
question d’évaluer les motifs de l’employeur ou, chose encore plus
importante peut-être, de déterminer s’il est survenu une violation
quelconque du Code, je suis persuadé qu’il convient d’autoriser le
syndicat à poursuivre cet aspect de ses arguments, s’il le décide. Bien
que je partage certains des doutes qu’a exprimés l’employeur quant à
la valeur des arguments du syndicat sur ce point, je me bornerai à
rendre ma décision sur le fondement des éléments de preuve, plutôt
que sur les actes de procédure.
[71] Je signale toutefois que le paragraphe 40 fait référence à des faits qui sont
survenus plus de trois ans avant le dépôt du grief et que les paragraphes 25 et
42 sont plus de la nature de conclusions juridiques que d’affirmations factuelles.
Précisions no 4
[72] J’ai déjà fait part d’un certain appui à l’égard de l’opinion que la directive de
déposer ce qui est devenu les Précisions no 4 ne devrait pas être considérée
comme une invitation à déposer de nouvelles allégations non détaillées
auparavant. Je continue d’y souscrire de façon générale. Cependant, dans les
circonstances particulières de la présente affaire, le syndicat a précisé qu’il
soulignera principalement, sinon exclusivement, la manière dont le congédiement
a été effectué, y compris la façon dont l’employeur a géré la situation par suite de
ses préoccupations, laquelle situation s’est soldée par le congédiement. Un
grand nombre de faits qui se sont alors produits sont peut-être maintenant
dénués de toute controverse factuelle, et il a été maintenant conclu que
l’employeur n’avait pas de motif valable de congédier le plaignant. Ce qui reste
- 20 -
peut-être à décider n’est pas si l’employeur avait un motif de congédiement
valable, mais plutôt s’il y avait des motifs irréguliers en jeu dans la décision que
l’employeur a prise. Il est possible que le syndicat demande que l’on infère de
tels motifs de la série de faits qu’il souligne. Conclure à l’existence d’un motif
irrégulier en l’absence d’éléments de preuve directs et en se fondant sur une
inférence peut être un résultat difficile à atteindre pour n’importe quel défenseur.
Je suis toutefois convaincu qu’il convient d’accorder une telle possibilité et que, là
encore, il y a lieu de rendre une décision définitive en se fondant sur la totalité
des éléments de preuve.
[73] Dans ce contexte, je suis arrivé aux conclusions suivantes au sujet des
Précisions no 4 (et des paragraphes de celles-ci qui, comme l’a indiqué le
syndicat, sont d’une importance cruciale pour ses arguments) :
• Les paragraphes 12 et 13 : Ces paragraphes sont essentiellement
des conclusions / arguments de nature juridique et ils n’ajoutent
rien aux allégations de fait (encore que le plaignant puisse décider
de témoigner au sujet de l’effet que les agissements de
l’employeur ont eu sur lui).
• Le paragraphe 14 : Ce paragraphe porte sur la manière dont le
congédiement a été effectué et on peut y faire référence en
preuve.
• Le paragraphe 15 : Ce paragraphe porte principalement sur des
allégations de diffamation et d’atteinte à la réputation, et il déborde
le cadre des paramètres maintenant réglés de ces allégations.
• Les paragraphes 16 et 17 : Dans la mesure où ces paragraphes
portent sur les circonstances du congédiement et la manière dont
il a été effectué (mais non sur les allégations de diffamation), ils
peuvent faire l’objet d’une preuve.
• Les paragraphes 18 à 23 : Ces paragraphes concernent
principalement des allégations de diffamation et d’atteinte à la
réputation et ils débordent le cadre des paramètres maintenant
réglés de ces allégations.
• Le paragraphe 24 : Ce paragraphe est lié à la manière dont la
suspension / le congédiement a été effectué et il peut faire l’objet
d’une preuve.
- 21 -
• Le paragraphe 25 : Ce paragraphe est lié à des faits qui datent
d’après le congédiement et, chose encore plus importante, il met
en cause des allégations liées à des rapports qui, a-t-il déjà été
décidé, se situent en dehors de la portée de la présente affaire.
• Le paragraphe 26 : Ce paragraphe concerne principalement des
allégations de diffamation et d’atteinte à la réputation et il déborde
le cadre des paramètres maintenant réglés de ces allégations.
• Le paragraphe 27 : Le plaignant peut témoigner au sujet de l’effet
que le congédiement a eu sur lui (à part toute allégation liée à la
présumée atteinte à la réputation qui déborde le cadre de la
présente instance) ou l’effet des rapports d’enquête dont il est
question dans ce paragraphe.
• Les paragraphes 28-30 : Ces paragraphes reproduisent
essentiellement les parties des Précisions no 2 et no 3 dont il reste
encore à débattre.
• Les paragraphes 33 et 34 : Ces paragraphes portent
principalement sur des allégations de diffamation et d’atteinte à la
réputation et ils débordent le cadre des paramètres maintenant
réglés de ces allégations.
• Les paragraphes 35 et 36 se rapportent à des événements
postérieur de manière significative au dépôt du grief et ils ne
pourront pas faire l’objet d’une preuve.
Conclusion
[74] L’effet conjugué des motions préliminaires de l’employeur, le fait que le syndicat
a circonscrit ses arguments et les conclusions que j’ai formulées dans la présente
ont contribué à nettement limiter les paramètres des questions qu’il reste à
plaider. Bien que j’aie admis un grand nombre de ses observations, l’employeur
n’est pas parvenu à me convaincre que toutes les allégations en suspens
devraient être rejetées sans qu’il faille tenir une audience.
[75] La présente affaire peut maintenant faire l’objet d’une audience, aux dates déjà
prévues à cette fin.
[76] En me fondant sur les observations du syndicat, je m’attends à ce qu’il présente
de brefs éléments de preuve à l’intérieur des paramètres de la présente
sentence, des éléments qui se limiteront peut-être au témoignage du plaignant.
- 22 -
Une fois que cela sera fait, et sous réserve du choix de l’employeur de produire
d’autres éléments de preuve, l’affaire pourra passer à l’étape de l’argumentation
finale.
[77] S’il y a des désaccords au sujet de l’application des conditions de la présente
sentence, il pourra en être question à l’audience.
[78] La présente décision est diffusée simultanément en français et en anglais. Ni l’une
ni l’autre des deux n’est la version officielle, mais les deux devraient être
considérées comme faisant pareillement autorité. Cela étant, je demeurerai saisi
pendant une période de 30 jours (et par la suite, pour régler toute question que les
parties pourraient soulever pendant cette période de 30 jours), relativement à tout
problème de compatibilité et de synchronisation d’ordre linguistique entre les deux
versions.
Fait à Toronto (Ontario) le 22 juillet 2024.
« Bram Herlich »
Bram Herlich, arbitre