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HomeMy WebLinkAbout2015-1330.Dubuc.16-11-02 Decision-French Version Crown Employees Grievance Settlement Board Suite 600 180 Dundas St. West Toronto, Ontario M5G 1Z8 Tel. (416) 326-1388 Fax (416) 326-1396 Commission de règlement des griefs des employés de la Couronne Bureau 600 180, rue Dundas Ouest Toronto (Ontario) M5G 1Z8 Tél. : (416) 326-1388 Téléc. : (416) 326-1396 NO DE LA CRG 2015-1330 NO DU SYNDICAT 2015-0453-0001 DANS L’AFFAIRE D’UN ARBITRAGE en vertu de LA LOI SUR LA NÉGOCIATION COLLECTIVE DES EMPLOYÉS DE LA COURONNE devant LA COMMISSION DE RÈGLEMENT DES GRIEFS ENTRE Syndicat des employées et employés de la fonction publique de l’Ontario (Dubuc) Syndicat - et - La Couronne du chef de l’Ontario (Ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels) Employeur DEVANT Bram Herlich Vice-président POUR LE SYNDICAT Jesse Gutman Syndicat des employées et employés de la fonction publique de l’Ontario Agent des griefs POUR L’EMPLOYEUR Kevin Dorgan Secrétariat du Conseil du Trésor Direction des services juridiques Avocat AUDIENCE Les 6 et 17 octobre 2016 Décision [1] Stephane Dubuc (le « plaignant ») a été congédié de son poste d’inspecteur des incendies au Bureau du commissaire des incendies le 19 mai 2015. Le syndicat a déposé le présent grief pour contester le bien-fondé du congédiement. [2] Chacune des parties a soulevé une question préliminaire. Le syndicat demande la production de certains documents avant le début de l’affaire, à tout le moins avant la présentation de tout témoignage oral. Pour sa part, l’employeur conteste la portée, l’étendue et le caractère éloigné d’une grande partie de la preuve que le syndicat veut présenter. La présente décision porte sur l’objection de l’employeur. [3] La cause présentée par le syndicat s’inscrit essentiellement dans deux catégories. Premièrement, le syndicat fait valoir que le congédiement était injustifié. Toutefois, il allègue également que la décision de l’employeur de congédier le plaignant était fondée sur des motifs inappropriés. À l’appui de cette dernière allégation, le syndicat a déposé quelque 17 pages de détails contenant ce qu’il décrit comme étant ses « allégations positives ». Aux fins de la présente décision, je tiens pour acquis que la preuve concernant ces détails serait pertinente, à tout le moins en apparence. Le syndicat soutient essentiellement que le congédiement était (au moins en partie) une mesure de représailles prise contre le plaignant parce que celui-ci a exercé des droits protégés en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (« LSST »). Il soutient également que le plaignant, un Canadien français, a été visé en raison de son lieu d’origine. Au regard de cette assertion, le syndicat veut présenter des preuves démontrant que le plaignant a pris des mesures pour demander l’application de ses droits linguistiques. [4] Le syndicat tient à souligner qu’en présentant la preuve liée à ses allégations positives, il ne demande aucune réparation à l’égard des événements en question. Il cherche plutôt à se fonder sur ces événements pour prouver la ligne de conduite inappropriée qui, selon le syndicat, a mené au congédiement. Cependant, bien qu’il ne demande aucune réparation propre aux événements en question, il fait valoir qu’il est nécessaire d’examiner et de plaider ces faits. - 2 - [5] Certains des faits allégués remontent à plus d’une décennie. Une grande partie des faits allégués se rapportent à des événements qui ont eu lieu plus de trois ans avant le dépôt du grief. [6] L’employeur demande que la Commission suive sa « règle pratique » énoncée dans OPSEU (Patterson) and the Crown in Right of Ontario (Ministry of Public Safety and Security) GSB File No. 2001-0925 et. al. (Leighton), une décision qui a été suivie dans de nombreuses causes ultérieures. Dans cette affaire, qui portait sur des allégations de harcèlement et de discrimination, le syndicat a demandé de présenter des preuves qui étaient antérieures au dépôt du grief, parfois de 14 ans. La Commission, « [TRADUCTION] pour trouver un équilibre entre l’intérêt du syndicat à prouver le bien-fondé de sa cause, à savoir, une allégation de milieu de travail empoisonné, et le droit de l’employeur de se défendre », a décidé d’admettre en preuve les événements antérieurs d’au plus trois ans au dépôt du grief. C’est l’affaire OPSEU (Patterson), ainsi que la manière dont elle a été suivie, qui ont mené à la « règle pratique » de trois ans que connaissent bien les parties qui comparaissent régulièrement devant notre Commission. [7] Le syndicat n’a pas contesté sérieusement l’existence de la règle. En outre, plutôt que de mettre l’accent sur les motifs, s’il en est, justifiant une dérogation à la règle à la lumière des faits de l’espèce, il a choisi de contester plus directement le bien- fondé de la règle même. [8] Le syndicat se fonde principalement sur une décision rendue par l’arbitre Bendel dans Re Greater Toronto Airport Authority and Public Service Alliance of Canada (2007) 158 L.A.C. (4th) 97 (« GTAA ») (et le thème repris dans une affaire plus récente tranchée par le même arbitre et portant sur des faits plus similaires aux nôtres, soit l’affaire George Brown College of Applied Arts and Technology and OPSEU, 2016 CanLII 9122(ON LA)). Comme l’arbitre Bendel, le syndicat a aussi mentionné la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Université du Québec à Trois Rivières c. Laroque, [1993] 1 R.C.S. 471. - 3 - [9] Le syndicat soutient que l’arbitre Bendel semble avoir interprété des parties de la décision de la Cour suprême comme établissant un principe clair voulant que l’exclusion de preuves pertinentes soit un manquement à la justice naturelle et que les arbitres en relations de travail ne puissent exclure de telles preuves sans contrevenir aux règles de justice naturelle. Que l’observation du syndicat soit exacte ou non, elle est sans doute soutenue par les commentaires que l’arbitre a faits ultérieurement dans l’affaire George Brown. Dans celle-ci, qui portait sur un grief comportant une allégation de harcèlement, le syndicat voulait présenter en preuve des événements antérieurs de 10 ans au dépôt du grief. L’arbitre a rejeté la motion préliminaire de l’employeur visant à exclure la preuve. Dans le cadre de sa sentence (à la page 8) et après avoir mentionné des causes dans lesquelles l’admission de preuves avait été limitée (« [TRADUCTION] habituellement une période de trois ans »), il a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] Je ne suis au courant d’aucune source légitime à l’appui du pouvoir discrétionnaire invoqué par les arbitres dans ces affaires. Comme les tribunaux l’ont très clairement indiqué au fil des ans […] [et après que l’arbitre eut mentionné une autre fois la décision de la Cour suprême] […] les arbitres doivent accorder une audition complète et équitable des griefs, de sorte qu’ils doivent permettre aux parties de présenter toute preuve pertinente aux questions en litige (sauf s’il existe dans la jurisprudence judiciaires ou dans la loi un fondement justifiant son exclusion). Tout défaut de le faire constitue une violation du principe audi alteram partem et rend la sentence susceptible d’annulation lors d’un contrôle judiciaire. [10] Cependant, l’employeur souligne (que nous examinions l’interprétation des sentences de l’arbitre Bendel par le syndicat ou l’interprétation de la décision de la Cour suprême par l’arbitre Bendel) le caractère erroné de la conclusion selon laquelle l’exclusion de preuves par ailleurs pertinentes constitue automatiquement et sans exception un manquement à la justice naturelle. Nous avons été dirigés vers les observations du juge en chef Lamer (à la page 491) : Pour ma part, je ne suis pas prêt à affirmer que le rejet d'une preuve pertinente constitue automatiquement une violation de la justice naturelle. L'arbitre de griefs est dans une situation privilégiée pour évaluer la pertinence des preuves qui lui sont soumises et je ne crois pas qu'il soit - 4 - souhaitable que les tribunaux supérieurs, sous prétexte d'assurer le droit des parties d'être entendues, substituent à cet égard leur appréciation à celle de l'arbitre de griefs. Il pourra toutefois arriver que le rejet d'une preuve pertinente ait un impact tel sur l'équité du processus, que l'on ne pourra que conclure à une violation de la justice naturelle. [11] À mon avis, l’interprétation présentée par l’employeur est plus juste. À cet égard, je ferais tout d’abord remarquer que l’arbitre Bendel a lui-même reconnu, dans l’arrêt GTAA (à la page 110), que : [TRADUCTION] […] pour décider si l’arbitre a violé le principe audi alteram partem en excluant des preuves pertinentes, les tribunaux jugeront la validité de la décision de l’arbitre en examinant l’équité et la crédibilité de l’arbitrage. [12] Par conséquent (et, encore une fois, que nous examinions l’interprétation de la décision de la Cour suprême par l’arbitre ou l’interprétation des sentences arbitrales par l’avocat du syndicat), je suis convaincu qu’il n’y a pas de règle invariable ou rigide voulant que l’exclusion de preuves pertinentes, en soi, constitue toujours une violation des règles de justice naturelle. [13] Par ailleurs, avec le plus grand respect pour le savant arbitre, je ne partage pas l’avis selon lequel la preuve pertinente doit toujours être admise en l’absence d’un fondement dans la jurisprudence judiciaire ou dans la loi justifiant son exclusion. Par exemple, il suffit d’examiner un aspect de la doctrine fondamentale des relations de travail, à savoir celle de la discipline progressive. Il ne fait guère de doute que l’employeur qui voudrait présenter une preuve d’antécédents d’inconduite et d’indiscipline (quelle qu’en soit la gravité) pour étayer le congédiement d’un employé n’ayant aucun antécédent de discipline formelle ferait face à des obstacles importants et probablement insurmontables à la présentation d’une telle preuve. Celle-ci pourrait être clairement pertinente mais tout aussi clairement inadmissible, malgré l’absence de tout fondement dans la jurisprudence judiciaire ou dans la loi justifiant son exclusion. - 5 - [14] Par ailleurs, l’exemple décrit ci-dessus est empreint d’une certaine ironie. À quelques égards, il s’agit de l’image miroir de la tentative de se fonder sur des événements ayant précédé de loin le dépôt d’un grief. Typiquement, dans un tel cas (à cet égard, la présente affaire n’est pas tout à fait typique – ce sur quoi je reviendrai), le syndicat cherche à présenter (par ailleurs de façon inopportune) des allégations de violations antérieures de la convention collective par l’employeur. Cependant, c’est précisément pour reconnaître les obstacles systémiques et autres difficultés liés à l’instruction en temps opportun des affaires portant sur une conduite inappropriée équivalant à du harcèlement, de la discrimination ou de l’intimidation que notre Commission a élaboré sa règle pratique de trois ans, permettant ainsi au plaignant d’invoquer des événements qui ne pourraient autrement pas être présentés dans le cadre d’un grief. [15] Cette règle pratique n’est qu’un point de départ et non une règle rigide qui doit être appliquée mécaniquement dans tous les cas. En l’espèce, aucune circonstance étayant ou nécessitant une prorogation (ou un raccourcissement) de la période de trois ans n’a été invoquée. [16] Pour ces seuls motifs et sous réserve de l’exception décrite ci-dessous, je suis d’avis d’accueillir l’objection de l’employeur et de n’admettre en preuve que les événements qui remontent tout au plus à trois ans avant le dépôt du présent grief. [17] Cependant, en l’espèce, il y a un autre motif justifiant de limiter la production de la preuve. Un des facteurs qui sous-tend l’approche adoptée par la Commission relativement à la règle de trois ans, c’est que le plaignant visé par la conduite inappropriée de l’employeur n’est pas toujours conscient de la nature de ses droits pour contester une telle conduite. Cela n’est clairement pas le cas en l’espèce. Le plaignant connaît bien ses droits. En effet, une grande partie de la conduite que le syndicat veut présenter a déjà fait l’objet de plaintes antérieures, notamment une plainte déposée par le plaignant en mai 2009 auprès de la Commission des relations de travail de l’Ontario, dans laquelle celui-ci soutenait avoir été visé par des représailles inappropriées pour avoir exercé des droits en vertu de la LSST. De plus, un grief a été déposé en mars 2010 pour protester contre de présumées mesures disciplinaires inappropriées. Les - 6 - faits présentés dans le cadre de ces deux plaintes et les faits mentionnés par le syndicat dans ses « allégations positives » se chevauchent considérablement (pour ne pas dire qu’ils sont complètement identiques). Les deux plaintes ont fait l’objet de règlements entre les parties respectives (le grief a été réglé en septembre 2011; la plainte relevant de la LSST a été réglée en janvier 2012). [18] Ainsi, même abstraction faite de la règle de trois ans, toute enquête sur les faits présentés dans le cadre des plaintes décrites ci-dessus serait inappropriée. Le caractère sacré et incontestable des règlements est un principe axiomatique dans le domaine des relations de travail. Bien que le syndicat admette qu’il ne demande aucune réparation relativement aux événements, il demande néanmoins à notre Commission d’entendre les allégations ayant fait l’objet des règlements et de rendre une décision à l’égard de ces allégations. Les parties seraient peu enclines à conclure des règlements si les événements en question pouvaient ultérieurement faire l’objet d’un nouveau litige. [19] Toutefois, cela m’amène enfin à l’« exception » que j’ai mentionnée. Dans le cadre des observations des parties sur la présente question, un nombre de documents ont été déposés : la plainte de 2009 relevant de la LSST, la réponse de l’employeur, des observations supplémentaires du plaignant et le règlement daté de janvier 2012, ainsi que le grief antérieur daté de mars 2010 et le règlement daté de septembre 2011 qui en a résulté. Ces documents sont maintenant des pièces dans la présente instance. De toute évidence, ils prouvent que des plaintes antérieures ont été déposées, établissent la nature de ces plaintes et prouvent qu’elles ont été réglées. Cependant, vu les règlements, ces documents ne prouvent rien au sujet du bien-fondé des plaintes. Toutefois, dans la mesure où le syndicat (ou l’employeur) souhaite faire référence à l’un quelconque de ces documents ou s’y fonder, il est libre de le faire. [20] En fin de compte et sous réserve de l’exception décrite ci-dessus, la Commission n’examinera dans la présente affaire aucune preuve remontant à plus de trois ans avant le dépôt du grief. Fait à Toronto (Ontario) le 2 novembre 2016. Bram Herlich, vice-président